Futuris
Peut-on envisager un avenir sans Ebola ? Quand disposerons-nous d’un vaccin sûr et efficace contre cette maladie ? Des réponses depuis la Sierra Leone dans notre magazine Futuris.
En 2014, Emma avait 23 ans et faisait des études de gestion à Freetown, la capitale du pays. Un virus mortel transmis par les fluides corporels touchait déjà son entourage. Et un jour, c’est elle qui a été atteinte d’une forte fièvre, de diarrhée, de vomissements et de douleurs.
Le père de mon amie était en train de mourir. Je lui ai rendu visite. Je suis restée sur place pendant trois jours. Son père est mort, ils l’ont enterré, j‘étais encore sur place. Après, je suis rentrée chez moi et là, j’ai commencé à avoir de la fièvre. J‘étais tellement désespérée à ce moment-là. La maladie était en train de m’attaquer, j’avais peur, parce qu’on disait : + Quand on emmène quelqu’un au centre de soins, il ne revient jamais +. Alors, j’ai commencé à m’enfermer dans la pièce, se souvient Emma, une survivante d’Ebola.
Emma est restée cloîtrée pendant six jours chez elle, puis on l’a emmenée dans un centre médical du secteur. Finalement, elle a gagné la bataille contre Ebola, non sans avoir un prix à payer. La jeune femme a dû arrêter ses études et aujourd’hui, elle reste chez elle faute d’emploi.
La région où vit Emma a été lourdement touchée par l‘épidémie : des villages entiers ont été placés en quarantaine et l‘économie locale s’est effondrée. Pour répondre à la situation, des scientifiques européens mènent sur place leur projet de recherche qui vise à développer un nouveau régime de vaccins pour enrayer la propagation de la maladie. L’essai clinique qui est en cours au Sierra Leone a concerné plus de mille volontaires sains : adultes et enfants âgés de 1 à 17 ans.
Si mon enfant se fait vacciner, ça veut dire qu’il n’attrapera pas le virus Ebola ? Les parents nous posent souvent cette question. On leur répond que c’est un essai de vaccin et qu’on ne sait pas encore s’il empêchera leur enfant d‘être contaminé. C’est une étude, explique Isha Kanawah, infirmière et participante au projet Ebovac-Salone à l’Université de Sierra Leone.
Tous les volontaires bénéficient d’un suivi médical minutieux avant et après les injections. Systématiquement, les médecins les informent, eux et leurs proches, sur la maladie.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, le taux de mortalité de la maladie est compris entre 50 et 90 %. De nombreux soignants – aujourd’hui impliqués dans cet essai clinique – étaient en première ligne lors de l‘épidémie.
Personne n‘était à l’abri. Et c’est en fait ce qui m’a poussé à m’investir dans cet essai : c’est le fait de travailler sur un vaccin qui va permettre d‘éviter que de telles choses se produisent à nouveau, confie Agnes Bangura, docteur au sein Ebovac-Salone.
Et la nouvelle formule de vaccin qui est à l‘étude ici donne des résultats encourageants d’après les médecins. “On constate que le vaccin est sûr. Et les participants sont réellement en train de produire des anticorps dans leur sang pour combattre le virus. Donc c’est très prometteur”, se félicite le docteur Agnes Bangura.
Les échantillons de sang prélevés sur les volontaires sont ensuite analysés dans des laboratoires implantés à proximité. Des structures qui n’existaient pas avant l‘épidémie d’Ebola et qu’il a fallu créer de toutes pièces. La région n‘étant pas raccordée au réseau électrique national, les chercheurs ont dû se tourner vers des générateurs pour alimenter les équipements sophistiqués utilisés sur place.
C’est aux Pays-Bas que le régime de vaccin en cours d’essai en Sierra Leone est développé et ses résultats, surveillés de près. La méthode nécessite l’injection de deux vaccins différents.
D’après les scientifiques, cette stratégie pourrait permettre de fournir une immunisation plus efficace et plus durable contre une famille de virus particulièrement dangereux.
Quand vous êtes infecté, le virus se reproduit très rapidement. Vous avez des millions et des millions de virus dans votre sang. Et cela entraîne une très forte mortalité. Et cela implique aussi que la protection immunitaire apportée par le vaccin doit être extrêmement élevée pour être capable de faire face à tant de virus. Ebola n’a pas disparu, il ne disparaîtra pas. Il sera bien présent et reviendra encore et encore, détaille Johan van Hoof, directeur général de Janssen vaccines & prevention.
Même si les recherches doivent encore se poursuivre, l‘équipe estime déjà que son nouveau régime de vaccin a le potentiel pour réussir.
Nos essais cliniques ont abouti à des données très prometteuses. Le vaccin induit des réponses immunitaires fortes et pérennes. Nous en sommes ravis. En nous appuyant sur cet ensemble de données, nous planifions à présent les étapes à venir en vue de l’homologation. C’est l’un de nos objectifs à court terme, estime Kerstin Luhn de Janssen vaccines.
Ce vaste effort de recherche est mené dans le cadre de l’Initiative pour les médicaments innovants, le plus grand partenariat public-privé au monde dans le domaine des sciences de la vie. Son budget actuel de 3,2 milliards d’euros est financé à la fois, par la Commission européenne et par l’industrie pharmaceutique européenne.
Les recherches sur ce régime de vaccin sont appelées à se poursuivre, notamment sous la forme d’essais cliniques de plus grande ampleur, en conservant le même objectif : donner un nouvel espoir à ceux qui vivent dans des zones à risque.
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