Ouganda
L'opposant Bobi Wine a saisi la justice pour réclamer "l'annulation" des résultats de l'élection présidentielle en Ouganda, entachée selon lui par des fraudes qui ont assuré la réélection du président sortant Yoweri Museveni, a annoncé lundi un de ses avocats.
"Nous voulons l'annulation de l'élection, nous ne voulons pas qu'il (Museveni) prenne part à des élections futures", a déclaré Medard Sseggona, un des conseils de Bobi Wine, en déposant un recours devant la Cour suprême de ce pays d'Afrique de l'Est. Yoweri Museveni, ancien guérillero de 76 ans au pouvoir depuis 1986, a remporté le scrutin présidentiel du 14 janvier avec 58,6% des voix.
Bobi Wine a immédiatement dénoncé l'élection comme une "mascarade", les résultats officiels lui attribuant 34,8% des suffrages. Le député de 38 ans et ancien chanteur de ragga, dont le vrai nom est Robert Kyagulanyi, disposait de 15 jours après la déclaration des résultats par la commission électorale pour les contester devant la justice. La Cour suprême a maintenant 45 jours pour statuer sur son recours.
Malgré la fin de son assignation à résidence, l'accès au siège de son parti politique, la Plateforme d'unité nationale (NUP), reste bloqué depuis deux semaines par les autorités. Lundi, la capitale Kampala était quadrillée par des véhicules blindés et par de nombreuses patrouilles de police. Un déploiement des forces de sécurité que l'inspecteur général adjoint de la police, Paul Lokech, a justifié par la menace de manifestations violentes. Le NUP a rejeté ces accusations. Son secrétaire général, Lewis David Rubongoya, a assuré que le parti prône "une alternance pacifique au gouvernement de Museveni, sans recourir à la violence".
Le cadre légal pour contester les élections est ouvertement critiqué en Ouganda, car les juges de la Cour suprême examinent seulement les événements survenus le jour de l'élection et le jour de la déclaration des résultats, sans prendre en compte la campagne électorale dans son ensemble. "La jurisprudence circonscrit le processus électoral aux votes, aux chiffres et aux statistiques du jour du scrutin, ce qui rend la contestation d'une élection très difficile", déclare l'analyste politique indépendant Crispin Kaheru.
Devant la Cour suprême, Bobi Wine doit prouver que les irrégularités dont il dit avoir connaissance ont influé "de manière substantielle" sur le résultat de l'élection. Un pré-requis bien plus exigeant que les preuves réclamées par la justice civile. La Cour ne regarde pas "le processus qui a mené aux élections, mais seulement les événements survenus lors du scrutin et le jour de la déclaration des résultats, ce qui rend les actes frauduleux très difficiles à prouver", conclut Crispin Kaheru.
D'autres candidats ont déjà tenté par le passé de contester les victoires électorales de Yoweri Museveni devant la justice. Le dirigeant autoritaire a été systématiquement élu à chaque scrutin auquel il participait depuis 1996, quasiment à chaque fois avec des soupçons de fraudes.
Selon son avocat, "des soldats ont fait irruption dans des bureaux de vote" et ont bourré les urnes avec des bulletins pré-remplis le 14 janvier. Les registres électoraux ont également été trafiqués dans certains sites, d'après lui. "Museveni ne peut pas être autorisé à tricher impunément", a estimé M. Sseggona.
Le principal opposant du président ougandais assure disposer de nombreuses preuves d'irrégularités, démontrant notamment des bourrages d'urnes, des tactiques d'intimidation auprès des électeurs et des manipulations des résultats dans certains bureaux de vote. De son côté, le chef de l'Etat affirme que cette élection a été "la plus transparente" que le pays ait jamais connu depuis son indépendance en 1962.
La campagne électorale a été marquée par des violences qui ont fait des dizaines de morts et par la répression contre les candidats de l'opposition, empêchés d'organiser des rassemblements au nom de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Lors des jours qui ont précédé et suivi le scrutin, l'accès à internet a été interrompu et les réseaux sociaux suspendus.
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