Libéria
Une enquête indépendante sur l'exploitation forestière dans la forêt tropicale libérienne a révélé des opérations illégales "à une échelle significative", avec de multiples faux pas ou violations de la loi par l'agence gouvernementale chargée de protéger ces forêts, selon une copie du rapport obtenue par l'Associated Press.
Le rapport a été achevé en 2020 mais n'a jamais été rendu public malgré les appels des activistes à publier ses conclusions, qui comprenaient une recommandation au président George Weah d'ordonner une enquête spéciale sur ce qui a mal tourné.
Quatre sources ont déclaré que Goerge Weah, qui a nommé le chef de l'agence forestière, a ignoré les appels répétés des ambassadeurs de l'Union européenne, des États-Unis et du Royaume-Uni à agir en réponse au rapport.
Lors d'un entretien téléphonique avec l'AP mardi, M. Weah a nié avoir été informé à plusieurs reprises des problèmes de surveillance de la forêt tropicale libérienne. Mais plus tard dans l'interview, il a semblé reconnaître avoir reçu une lettre d'inquiétude des ambassadeurs de l'UE et du Royaume-Uni et a déclaré avoir organisé une réunion sur la question.
"Quelle que soit la lettre reçue, j'ai organisé une réunion", a-t-il déclaré.
Exploitation forestière
Le Liberia est le pays le plus boisé d'Afrique de l'Ouest, avec des forêts tropicales couvrant environ deux tiers de la petite nation. Il abrite des éléphants de forêt, des hippopotames pygmées et des chimpanzés occidentaux, tous menacés d'extinction. Depuis 2000, la déforestation a fait disparaître quelque 22% de la couverture forestière du pays, en grande partie à cause de la pression exercée par l'exploitation forestière et les petites exploitations agricoles.
Après la découverte, en 2018, de l'exploitation illégale de 3 millions de dollars de bois dur tropical dans le comté de Grand Bassa par une société appelée Renaissance Group Inc, le ministère de la Justice du Liberia a commandé une enquête à des experts internationaux. L'enquête a notamment porté sur le rôle joué par l'agence des forêts du Liberia, la Forestry Development Authority.
Les enquêteurs ont mis en évidence cinq illégalités commises par la FDA, qui est partiellement financée par les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni. Un "échec majeur" était la "tendance persistante" de sa direction à prendre "des décisions illégales dans l'évaluation de la gravité des infractions", selon le rapport.
Destruction de l'environnement
George Weah, qui était un ancien joueur de football professionnel de haut niveau avant de se tourner vers la politique, a nommé le directeur général de la FDA, Mike Doryen. Sous sa direction, l'agence a autorisé l'exportation de bois illégal, "en contournant apparemment les réglementations", selon les enquêteurs. Les extensions de la concession - le droit d'utiliser la terre - étaient "arbitraires" et "illégales". Dans une transaction "très irrégulière", le paiement a été effectué sur un compte bancaire inhabituel de la FDA, selon le rapport.
Lorsque l'alerte sur la destruction de l'environnement a été donnée, l'Office des forêts n'a infligé à Renaissance qu'une amende de 5 000 dollars, "une petite fraction" de ce que la société a gagné grâce à cette activité illégale. Bien que cette amende ait été portée à 105 000 dollars après les critiques d'un contrôleur suisse, la sanction correcte en vertu d'une loi de 2006 visant à préserver les forêts du Liberia aurait été une amende de 1,85 million de dollars et d'éventuelles peines de prison, selon les enquêteurs. Même après que Renaissance ait reconnu l'exploitation illégale de ses forêts, Doryen a approuvé de nouveaux permis d'exportation, ce qui constitue un "manquement grave à ses obligations".
Doryen n'a pas répondu aux demandes de commentaires de l'AP. Dans une réponse écrite adressée à l'UE en novembre dernier, la FDA a imputé les problèmes à des "défis du passé", insistant sur le fait qu'aucun droit d'exploitation illégale n'avait été accordé. L'Office des forêts a pris des mesures correctives à la suite de plusieurs incidents d'exploitation forestière illicite et deux directeurs techniques de l'Office ont été licenciés pour complaisance.
Pressions diplomatiques
Le rapport préconise le lancement d'un comité présidentiel spécial afin que la direction de l'Office des forêts puisse "expliquer ses actions". Rien ne prouve qu'un tel comité ait été lancé, et il ne figurait pas dans la liste des comités présidentiels actifs au cours des cinq dernières années, en juillet 2022. Weah et son attaché de presse, Smith Toby, ont refusé de dire si un tel comité avait été créé depuis.
Quatre sources officielles proches de l'affaire ont déclaré à l'AP que le Liberia avait ignoré les pressions diplomatiques pendant plus de 18 mois pour régler les problèmes de surveillance de la forêt tropicale. En juillet 2021, les ambassadeurs de l'UE et du Royaume-Uni ont écrit une lettre au ministre libérien des Affaires présidentielles avec des demandes comprenant des poursuites contre les contrevenants travaillant pour la société ou le gouvernement et une interdiction de Renaissance. Aucune réponse n'a été reçue avant mars 2022 et ces mesures n'ont pas été prises. La lettre de l'UE demandait également le rétablissement de l'État de droit dans le secteur forestier du Liberia.
Les sources officielles ont indiqué qu'un commissaire européen avait fait part de ses préoccupations à M. Weah en personne en février dernier, lors d'un sommet de l'Union africaine, puis en septembre lors d'une réunion à Monrovia à laquelle participaient plusieurs diplomates. Dans chaque cas, Weah a déclaré qu'il ne savait rien de l'enquête, ont indiqué les sources officielles.
Normes éthiques
Weah a déclaré à l'AP que les affirmations selon lesquelles il avait été informé à plusieurs reprises des préoccupations des pays donateurs étaient "absurdes". À la question de savoir pourquoi Doryen était toujours à la tête de la FDA malgré les conclusions du rapport, il a répondu : "Si quelqu'un a commis une infraction, la loi doit suivre son cours."
Dans une interview, Laurent Delahousse, l'ambassadeur de l'UE au Liberia, a refusé de critiquer directement Weah. Il a toutefois déclaré que l'UE souhaitait obtenir l'assurance que l'exploitation forestière illégale prendrait fin et que les organismes publics respecteraient les normes éthiques et juridiques les plus strictes.
"C'est une condition pour que nous puissions investir l'argent des contribuables européens dans ce secteur", a déclaré M. Delahousse.
Malversations
Gemma Tillack, du Réseau d'action pour les forêts tropicales (Rainforest Action Network), a déclaré par courriel que l'exploitation illégale des forêts et la surveillance laxiste étaient "trop courantes" et "tristement tolérées" par les gouvernements.
Davantage d'investissements sont nécessaires pour lutter contre ces malversations, qui entraînent la destruction de précieuses forêts tropicales, a-t-elle ajouté.
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