Tanzanie
Deux associations françaises alertent sur les coûts humains, climatiques et environnementaux "inacceptables" du méga-projet pétrolier du groupe Total incluant un oléoduc de plus de 1.400 kilomètres à travers l'Ouganda et la Tanzanie. Elles pointent un "risque d'accident pétrolier majeur" au large des côtes tanzaniennes.
TotalEnergies a annoncé en février un accord d'investissement de 10 milliards de dollars avec l'Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC. Cet accord comprends notamment la construction d'un oléoduc - l'East African Crude Oil Pipeline - EACOP - de plus de 1.400 kilomètres reliant les gisements du lac Albert, dans l'ouest de l'Ouganda, à la côte tanzanienne.
"L'EACOP sera le plus long oléoduc chauffé au monde s'il voit le jour; chauffé à 50°C tout du long (...) il transportera environ 216.000 barils de pétrole par jour, qui seront exportés sur le marché international", détaille le rapport des associations Les Amis de la Terre et Survie.
"En comptant les émissions causées par le transport, le raffinage et l'utilisation de ce pétrole, cela engendrera l'émission dans l'atmosphère de jusqu'à 34 millions de tonnes de CO2 par an, soit bien plus que les émissions de gaz à effet de serre combinées de l'Ouganda et de la Tanzanie", fustigent les associations.
En Tanzanie, pays réputé pour sa biodiversité, l'oléoduc parcourra 1.147 kilomètres pour rejoindre l'océan Indien au niveau du port de Tanga, selon le rapport. L'oléoduc "impactera les terres de près de 62.000 personnes et menacera plus de 2.000 kilomètres carrés de réserves naturelles. Il devrait parcourir sur plus de 400 km le bassin du lac Victoria, l'une des principales sources du Nil et le deuxième plus grand lac d'eau douce au monde".
Dans la zone du port de Tanga, Total prévoit d'y construire, au large des côtes, les infrastructures d'exportation du pétrole.
"Risque de marée noire"
"L'océan Indien étant fortement sujet aux risques de tsunami et de cyclones, et ce de façon accrue avec le réchauffement climatique, les risques d'accident pétrolier majeur, affectant irrémédiablement la très riche biodiversité des aires marines protégées de cette zone, sont extrêmement élevés", souligne le rapport.
"Le risque de marée noire au niveau de la côte tanzanienne, sujette à des tsunamis du fait d'une importante activité sismique dans la région, est très élevé".
Le 15 septembre, le Parlement européen a épinglé ce projet de TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie, s'inquiétant des "violations des droits de l'Homme" commises à l'encontre des opposants au projet. Le parlement avait demandé au groupe d'étudier "la faisabilité d'un autre itinéraire permettant de mieux préserver les écosystèmes protégés et sensibles et les ressources en eau de l'Ouganda et de la Tanzanie".
Les associations soulignent qu'"alors que les enquêtes de terrain et les reportages s'étaient concentrés en Ouganda, le présent rapport se fonde sur une enquête inédite réalisée en Tanzanie". "On y constate les mêmes violations des droits des populations affectées qu'en Ouganda, même exacerbées sur certains aspects", dénoncent-elles.
Les associations pointent notamment "des terres cédées sous la contrainte et à un prix injuste par les communautés au consortium EACOP dirigé par Total". Elles mettent en exergue une "sous-évaluation du prix des terres agricoles" par les promoteurs du projet, et "une attente interminable (3 à 4 ans pour une majorité des personnes affectées) des compensations" avec "des conséquences dramatiques pour les populations". Une situation face à laquelle "l'entreprise Total a des responsabilités et n'a pas mis en oeuvre de mesures adéquates pour faire cesser ces violations".
Les Amis de la Terre et Survie disent avoir enquêté "pendant environ cinq semaines entre les mois de janvier et février 2022". Les associations disent avoir mené "73 entretiens auprès de personnes affectées par le projet, provenant de 23 villages et répartis dans les huit régions impactées par l'oléoduc en Tanzanie".
"Les coûts humains, climatiques et environnementaux du méga-projet pétrolier de Total sont tout simplement inacceptables. Nos associations considèrent qu'il doit être abandonné au plus vite, et qu'une réparation doit être apportée aux communautés affectées", conclut le rapport.
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