Soudan
Sept manifestants ont été tués jeudi à Khartoum où des dizaines de milliers de Soudanais ont crié "le peuple veut la chute du général Abdel Fattah al-Burhane", l'auteur du putsch qui a plongé le pays dans la violence et une grave crise économique.
Si chaque semaine les Soudanais manifestent pour réclamer que le pouvoir soit rendu aux civils, jeudi est la journée la plus meurtrière depuis des mois et l'une de celle qui a le plus mobilisé.
Sept manifestants ont été abattus par les forces de sécurité, cinq au moins --dont un mineur-- par des balles tirées "dans la poitrine", "la tête" ou "le dos", ont rapporté des médecins, dénonçant aussi des tirs de grenades lacrymogènes à l'intérieur d'hôpitaux.
Dès mercredi soir, alors que de petits cortèges appelaient ici et là les Soudanais à défiler, un jeune manifestant avait été tué d'une "balle dans la poitrine" à Khartoum, selon ces médecins.
Depuis octobre, mois où a été mené le putsch, 110 manifestants ont été tués et des milliers d'autres blessés par les forces de l'ordre qui, selon l'ONU tirent régulièrement à balles réelles sur la foule.
"Même si on doit tous mourir, les militaires ne nous gouverneront pas", scandait d'ailleurs jeudi la foule, tandis que le bloc civil des Forces pour la liberté et le changement (FLC) estimait que "comme prévu, les putschistes ont déchaîné leur violence".
Avant d'ajouter: "les défilés de jeudi ont prouvé que la révolution n'est pas morte", car huit mois après le putsch qui a plongé l'un des pays les plus pauvres au monde dans le marasme, les manifestants continuent de réclamer que l'armée rende le pouvoir aux civils.
Le 30 juin est une journée symbolique pour ce grand pays d'Afrique de l'Est: il marque l'anniversaire du coup d'Etat qui a porté le dictateur Omar el-Béchir au pouvoir en 1989.
C'est par ailleurs en juin 2019 qu'ont eu lieu des rassemblements monstres ayant poussé les généraux à intégrer les civils au pouvoir après avoir écarté Béchir.
Les manifestants veulent donc réitérer cet exploit et forcer le pouvoir militaire à donner les rênes du pays aux civils.
Comme à chaque appel à manifester, internet et le téléphone ont été inaccessibles toute la journée avant d'être de nouveau rétablis en partie en soirée alors que certains cortèges s'éparpillaient, tandis que les grands axes étaient quadrillés par les forces de sécurité, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Outre Khartoum et ses banlieues, des manifestants ont aussi manifesté à Wad Madani (sud), au Darfour (ouest) et dans plusieurs villes de l'Est côtier, ont rapporté des témoins.
Avant les manifestations, l'émissaire de l'ONU Volker Perthes avait martelé que "la violence doit cesser" et plusieurs ambassades avaient réclamé que "plus aucune vie ne soit perdue".
Mais les capitales étrangères peinent à faire pression sur des généraux qui sont au pouvoir au Soudan quasiment sans interruption depuis l'indépendance en 1956.
Le 25 octobre 2021, quand le chef de l'armée, le général Burhane, a brutalement mis fin au fragile partage du pouvoir en faisant arrêter ses partenaires civils, la communauté internationale a coupé son aide --40% du budget du Soudan.
Ces sanctions financières n'ont pas fait plier le général mais ont fait plonger l'économie: la livre soudanaise s'est effondrée et l'inflation dépasse tous les mois les 200%.
Pire encore, le spectre de la famine se profile: un tiers des 45 millions de Soudanais souffrent d'"insécurité alimentaire aiguë", potentiellement mortelle, et d'ici septembre, ce chiffre devrait atteindre selon l'ONU 50%.
Début juin déjà, l'ONG Save the Children annonçait le décès lié à la faim de deux enfants.
En outre, la spirale des violences dans le pays en guerre depuis des décennies a repris son cycle infernal: au Darfour, des centaines de personnes sont mortes dans des affrontements pour la terre et l'eau et la répression des manifestations fait chaque semaine des morts ou des blessés.
Malgré les pressions étrangères, les FLC, colonne vertébrale du gouvernement limogé lors du putsch, refusent de rejoindre le "dialogue national" proposé par l'armée et l'ONU.
Elles posent comme condition préalable à toute discussion le retour au partage du pouvoir entre civils et militaires qui, outre la politique, dominent largement l'économie du pays, riche en or et en ressources naturelles.
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