Zimbabwe
Des infirmières et d'autres professionnels de santé en grève ont paralysé les hôpitaux publics du Zimbabwe, mettant à rude épreuve un système de santé publique autrefois dynamique, aujourd'hui en proie à un manque de médicaments et de fournitures de base comme les gants.
Les soignants ont cessé de travailler lundi après avoir rejeté l'offre du gouvernement d'une augmentation de salaire de 100% qui, selon eux, ne suffit pas à répondre à leurs besoins dans un contexte d'inflation galopante de 130%.
Les professionnels de santé veulent être payés en dollars américains car les salaires en monnaie locale sont érodés par l'inflation, a déclaré Enock Dongo, président de l'Association des infirmières du Zimbabwe. La plupart des agents de santé gagnent moins de 200 dollars par mois, a-t-il ajouté.
"Nous avons faim... la situation n'est plus tenable. Les travailleurs de la santé se rendent à pied au travail parce qu'ils ne peuvent pas payer le bus. Tout est évalué en dollars américains, sauf nos salaires", déclare Enock Dongo.
Des dizaines d'infirmières en uniforme, quelques médecins portant des stéthoscopes autour du cou et d'autres agents de santé ont défilé, chanté et scandé à l'hôpital Parirenyatwa de Harare, l'un des plus grands hôpitaux publics du pays. D'autres portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Rendez-nous notre dignité". Des grèves similaires ont eu lieu dans d'autres hôpitaux du pays, a indiqué Enock Dongo.
Des patients se sont assis sur le parking de l'hôpital ou dans l'enceinte de l'établissement, sans grand espoir d'obtenir de l'aide.
"J'ai dormi ici mais personne ne s'occupe de moi. Les infirmières et les médecins disent qu'ils devraient être payés plus cher avant de pouvoir me soigner", a déploré Tobias Shavane, qui dit avoir été blessé dans un accident de la route lundi. Un bandage sale servait d'écharpe pour son bras tandis que sa main gonflée était attachée à un morceau de carton taché de sang.
"Ils m'ont dit que ma situation n'était pas une urgence. Je n'ai nulle part où aller car je n'ai pas les moyens d'aller dans un hôpital privé", a soutenu Miriam Matembo, qui a amené sa fille de 11 ans qui souffrait de maux d'estomac. La fillette était allongée sur le sol, visiblement en proie à la douleur. "Je vais peut-être devoir rentrer chez moi avec elle, ou aller voir un prophète".
Les syndicats représentant les enseignants ont annoncé leur intention de faire grève, exigeant également un paiement en dollars américains. Le gouvernement du président Emmerson Mnangagwa affirme qu'il n'est pas en mesure de payer en billets verts.
En plus d'offrir à tous les fonctionnaires une augmentation de salaire de 100% en monnaie locale, le gouvernement dit négocier avec les boulangers pour tenter de réduire le prix du pain, qui, comme d'autres produits de base tels que l'huile de cuisson et le gaz, est désormais hors de portée pour de nombreuses personnes.
La guerre de la Russie en Ukraine est tenue pour responsable de la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le taux d'inflation du Zimbabwe a presque doublé, selon les statistiques officielles.
Beaucoup craignent que le Zimbabwe ne revienne à l'hyperinflation de 2008 qui a atteint 500 milliards de %, selon le Fonds monétaire international. Cette catastrophe économique a contraint le gouvernement à adopter en 2009 un système multidevises dans lequel le dollar américain et le rand sud-africain sont acceptés comme monnaie légale.
Le dollar américain continue de dominer car les prix en monnaie locale sont souvent indexés sur les taux de la devise américaine sur le marché illégal florissant, où la plupart des particuliers et des entreprises obtiennent leurs devises étrangères.
Les Zimbabwéens qui sont payés en monnaie locale, comme les fonctionnaires, doivent se procurer des dollars sur le marché illégal pour payer des biens et des services qui sont de plus en plus facturés en dollars américains.
Les détaillants ont déclaré que l'augmentation du cours des dollars américains sur le marché illégal les oblige à augmenter fréquemment les prix, souvent tous les quelques jours, pour leur permettre de se réapprovisionner.
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