Tunisie
Le président tunisien Kais Saied a limogé jeudi 57 juges accusés de corruption et d'autres crimes, après avoir adopté une nouvelle loi renforçant son emprise sur le système judiciaire.
Kais Saied, qui n'a cessé d'étendre ses pouvoirs depuis qu'il a limogé le gouvernement et suspendu le Parlement en juillet dernier, a publié mercredi dernier un décret l'autorisant à limoger unilatéralement des juges pour des "actions ... qui pourraient compromettre la réputation, l'indépendance ou le fonctionnement du système judiciaire".
Aux premières heures de jeudi, le journal officiel a publié une liste des juges qui avaient été démis de leurs fonctions et qui pourraient faire l'objet de poursuites. Cette liste n'indiquait pas les raisons de leur licenciement.
Lors d'une précédente réunion du cabinet, le président Saied avait accusé des juges non nommés de corruption, d'avoir retardé des affaires de "terrorisme", de harcèlement sexuel, de collusion avec des partis politiques et d'obstruction à la justice.
En février, il avait déjà supprimé un organisme de surveillance judiciaire indépendant pour le remplacer par un organe placé sous son propre contrôle, une décision décriée par les critiques comme le dernier coup porté à la démocratie dans le berceau des soulèvements du Printemps arabe de 2011.
M. Saied accusait depuis longtemps l'ancien organe de surveillance judiciaire, dont les membres étaient en partie élus par le Parlement, de bloquer des enquêtes politiquement sensibles et d'être influencé par son ennemi juré, le parti d'inspiration islamiste Ennahdha.
Un ancien chef de l'organe dissous figure parmi les personnes qui ont perdu leur emploi jeudi, ainsi qu'un ancien porte-parole du tribunal antiterroriste et un ancien chef des douanes.
Figurent également sur la liste des juges impliqués dans une enquête de longue haleine sur les meurtres en 2013 de deux hommes politiques de gauche, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi.
Affront
La décision de mercredi, applicable immédiatement, va plus loin que le décret de février de Saied, qui lui avait donné le pouvoir de révoquer "tout juge manquant à ses devoirs professionnels" et avait interdit aux juges de se mettre en grève.
Ghazi Chaouachi, dont le parti, le Courant démocratique, dispose de 21 sièges au Parlement, aujourd'hui gelé, a déclaré aux journalistes à Tunis que cette décision visait à "régler des comptes contre les juges".
Le directeur régional de la Commission internationale des juristes, Saïd Benarbia, a averti jeudi que Saied avait désormais le pouvoir de limoger les juges "par décret et sans aucune procédure", qualifiant le décret d'"affront à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice".
"À travers lui, l'effondrement de l'État de droit et de l'ordre constitutionnel est maintenant complet", a tweeté Benarbia.
Saied a insisté sur le fait qu'il n'avait pas l'intention d'interférer avec le système judiciaire, mais les groupes de défense des droits l'ont accusé de le placer sous le contrôle direct de l'exécutif.
La prise de pouvoir de Saied, le 25 juillet dernier, a été saluée par de nombreux Tunisiens fatigués d'un parlement considéré comme corrompu et intéressé, mais les partis politiques et les groupes de la société civile ont mis en garde contre une dérive du pays vers l'autoritarisme, dix ans après la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.
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