Maroc
Le Maroc est frappé de plein fouet par sa pire sécheresse depuis près de 40 ans, une catastrophe qui fait craindre une sévère pénurie d'eau potable cette année, conséquence du changement climatique et d'une gestion hydrique inefficiente.
"Le pays n'a pas enregistré une telle situation depuis le début des années 80", a indiqué à l'AFP Abderrahim Hendouf, spécialiste des politiques de l'eau. Si par le passé, la sécheresse - récurrente au Maroc - touchait principalement les régions rurales et le secteur agricole, elle pèse actuellement sur "l'approvisionnement en eau potable en zone urbaine", a récemment prévenu le ministre de l'Équipement et de l'Eau, Nizar Baraka, devant les députés.
Soumis de longue date aux variations climatiques, le pays subit un sévère déficit pluviométrique depuis septembre 2021 et une baisse alarmante des réserves des barrages de près de 89% par rapport à la moyenne annuelle, selon les statistiques officielles. Ce déficit est "un indicateur inquiétant même s'il a été résorbé par des mesures préventives, afin d'éviter les pénuries d'eau", a reconnu Abdelaziz Zerouali, directeur de la Recherche et de la Planification de l'eau, dans un entretien télévisé.
Nappe phréatique
Deux grandes villes, Marrakech (sud), capitale touristique, et Oujda (est), ont évité le pire en ayant recours depuis fin décembre à la nappe phréatique pour assurer leur approvisionnement. Pour contenir les effets dévastateurs de la sécheresse, le gouvernement a débloqué à la mi-février un programme d'aide au secteur agricole - premier contributeur du PIB (14%) devant le tourisme et l'industrie et principale source d'emplois en milieu rural - de près d'un milliard d'euros.
Mais à long terme, il est "nécessaire de changer notre vision sur la question de l'eau. Le changement climatique est réel et nous devons nous préparer pour y faire face", a alerté Abdelaziz Zerouali lors d'une conférence sur "le droit à l'eau" à Rabat.
Avec seulement 600 mètres cubes d'eau par habitant et par an, le Maroc se situe largement sous le seuil de la pénurie hydrique. A titre de comparaison, la disponibilité en eau était quatre fois supérieure à 2 600 m3 dans les années 1960. Au-delà des facteurs environnementaux, "la forte demande en eau" et "la surexploitation des nappes phréatiques" contribuent à faire pression sur les ressources hydriques, souligne le ministre Nizar Baraka.
Dessalement d'eau de mer
Dans un article pour l'Institut marocain d'analyse des politiques (MIPA), la chercheuse Amal Ennabih estime que la rareté de l'eau est "profondément liée à la façon dont cette ressource est utilisée pour l'irrigation, consommant environ 80% de l'eau du Maroc chaque année". Une situation d'autant plus alarmante que 10% seulement des terres agricoles sont irriguées, relève l'expert Abderrahim Hendouf, qui plaide pour une réduction du poids excessif du secteur agricole dans l'économie marocaine.
Le royaume chérifien mise principalement sur le dessalement de l'eau de mer pour remédier au déficit hydrique, un procédé polluant à cause de la saumure produite. Mais la mise en chantier du programme est confrontée à "des retards". La station de dessalement de Casablanca est toujours en chantier et la mégapole économique est menacée d'un déficit en eau dès 2025.
Déficit en eau potable
Autre exemple : le retard de livraison de l'usine de dessalement de la station balnéaire de Saïdia (nord-est) a "provoqué une pénurie" dans les villes environnantes, selon Nizar Baraka. Par ailleurs, la construction de 15 barrages prend aussi du retard.
La menace d'un déficit en eau potable planait également sur la ville touristique d'Agadir, à hauteur de 70% en mars par rapport à ses besoins. Un risque évité grâce notamment à la nouvelle station de dessalement de ce chef-lieu de la plus importante région agricole du Maroc, selon des chiffres officiels.
Les mesures draconiennes imposées à Agadir à l'automne 2020 - l'eau des robinets était coupée la nuit - ne sont aujourd'hui plus qu'un mauvais souvenir.
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