Ethiopie
Des combattants tigréens auraient violé, battu et volé plusieurs femmes en août dans la région de l'Amhara, touchée ces derniers mois par la guerre opposant rebelles et forces gouvernementales dans le nord de l'Ethiopie, selon une enquête d'Amnesty International.
Le rapport publié mercredi est l'un des plus complets sur les abus présumés commis par les forces du Tigré après leur entrée dans la région d'Amhara il y a quatre mois. Auparavant, alors que la guerre faisait rage dans la région du Tigré, les Tigréens de souche ont signalé des centaines de viols commis par les forces éthiopiennes et alliées, les experts estimant qu'il y en avait eu des milliers.
Amnesty International a recueilli les témoignages de 16 femmes qui disent avoir été victimes d'exactions de la part de combattants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) à leur passage dans la localité amhara de Nifas Mewcha, entre le 12 et le 21 août. Elles les ont identifiés comme des combattants tigréens en raison de leur accent et des insultes ethniques qu'ils proféraient, certains affirmant également être membres du TPLF.
Viols collectifs
De ces 16 femmes, 14 ont dit avoir été victimes de viols collectifs. Parmi elles, Gebeyanesh, 30 ans, raconte avoir été violée devant ses enfants de 9 et 10 ans. "Trois d'entre eux m'ont violée pendant que mes enfants pleuraient (...) (Les rebelles) ont fait ce qu'ils voulaient et sont partis. Ils m'ont aussi agressé physiquement (...) Ils m'ont giflée, m'ont donné des coups de pied. Ils pointaient leurs armes comme s'ils allaient me tirer dessus", raconte cette vendeuse de nourriture.
Hamelmal raconte elle avoir été violée par quatre combattants du TPLF. "Celui qui m'a violée en premier est leur supérieur. Il disait : 'Les Amhara sont des ânes, les Amhara ont massacré notre peuple, les forces de défense fédérales ont violé ma femme, maintenant nous pouvons vous violer comme nous voulons'", détaille-t-elle.
Une autre a relaté que ses agresseurs, après l'avoir violée, l'ont tabassée avec les crosses de leurs fusils et qu'elle est "restée inconsciente pendant plus d'une heure". Plusieurs indiquent que leurs agresseurs se sont emparés de nourriture, de bijoux, téléphones ou d'argent liquide. Amnesty International a aussi interrogé le directeur de l'hôpital de Nifas Mewcha et des responsables locaux et régionaux ayant connaissance de ces faits.
Familles à faibles revenus
Ces victimes étaient pour la plupart issues de familles à faibles revenus et occupaient des emplois subalternes, indique le chercheur Fisseha Tekle. Presque toutes ont été privées de soins médicaux après les attaques, les forces du Tigré ayant pillé l'hôpital et le centre de santé locaux. "La dernière fois que je leur ai parlé, elles demandaient de l'aide, une intervention immédiate pour vérifier leur état de santé." L'une d'entre elles est maintenant enceinte, a-t-il ajouté.
Les autorités de la région d'Amhara affirment que 71 femmes ont été violées durant cette période. Le ministère éthiopien de la Justice fait lui état de 73 cas. Les "actes ignobles" recensés par l'ONG "constituent des crimes de guerre et potentiellement des crimes contre l'humanité", a jugé la secrétaire générale d'Amnesty, Agnès Callamard.
Le conflit qui ravage depuis un an le nord de l'Éthiopie est jalonné de récits d'exactions visant les civils de la part de combattants des deux camps.La guerre a débuté en novembre 2020 quand le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l'armée au Tigré pour destituer les autorités régionales issues du TPLF, qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires.
Cessez-le-feu
Le prix Nobel de la paix 2019 avait déclaré la victoire après la prise de la capitale régionale, Mekele, fin novembre. Mais les combattants du TPLF ont repris en juin l'essentiel du Tigré, puis avancé dans les régions voisines de l'Afar et de l'Amhara. Ils affirment aujourd'hui se trouver à environ 300 km de la capitale Addis Abeba.
La semaine dernière, le bureau des droits de l'homme des Nations unies a déclaré que toutes les parties avaient commis des abus dans la guerre entre le gouvernement éthiopien et les forces du Tigré. Les efforts diplomatiques se poursuivent cette semaine par l'intermédiaire d'un envoyé de l'Union africaine et d'un représentant des États-Unis, alors que les appels à un cessez-le-feu immédiat et à des pourparlers se multiplient.
Le porte-parole des forces du Tigré, Getachew Reda, qui a nié à plusieurs reprises que les combattants attaquent des civils, n'a pas répondu aux diverses sollicitations de la presse.
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