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Une liqueur béninoise à la conquête des bars de New-York

Une liqueur béninoise à la conquête des bars de New-York

Bénin

Revisité par de jeunes Américains tombés sous son charme, le sodabi, liqueur traditionnelle à base de vin de palme très consommée au Bénin, tente de conquérir les bars branchés de Cotonou à New York.

Dans un vaste entrepôt à la périphérie de Cotonou, des piles de cartons de bouteilles au design très soigné attendent d‘être exportées de l’autre côté de l’Atlantique : “Tambour original, product of Benin”, précise l‘étiquette de cet alcool à 45 degrés produit par ces jeunes Américains.

A quelques mètres de là, trois distillateurs dernier cri contrôlés par des thermostats automatiques ronronnent.

On est bien loin de ce que Jake Muhleman découvre en 2012 : alors étudiant, cet Américain vient rendre visite à un ami, Eric Newton, volontaire pour Le Corps de la Paix (Peace Corps, une ONG américaine) dans le nord du Bénin. C’est là qu’il goûte pour la première fois au sodabi, une liqueur artisanale obtenue à partir de la sève des palmiers à huile. Préparée de façon traditionnelle, elle fermente avant d‘être distillée dans des alambics rudimentaires chauffés au feu de bois et est ensuite conservée le plus souvent dans des bouteilles en plastique recyclées.

“Ça existait depuis longtemps mais ce n‘était pas connu hors de la région, alors on s’est dit qu’on pourrait être les premiers à faire connaître le sodabi dans le monde entier! En plus, il y a toute une culture derrière”, explique Jake Muhleman, petites lunettes et barbe bien taillée.

Le sodabi est couramment utilisé comme offrande au cours des cérémonies religieuses vaudoues, où il est censé donner force et endurance, mais aussi augmenter la protection divine contre les mauvais esprits.

Dans les villages, les producteurs ajoutent des feuilles ou des fruits macérés, chacun ayant son secret, pour en améliorer le goût ou lui apporter les vertus médicinales de certaines plantes.

‘Un vrai spiritueux’

Pour Jake et son ami Eric, pas question de se contenter de reproduire le sodabi local, il s’agit de le valoriser. Ils ont sillonné à moto le sud du Bénin à la rencontre de producteurs de vin de palme de qualité pouvant leur fournir la matière première, et mis près d’un an pour concocter leur recette.

“Après la distillation, on ajoute un mélange de 14 ingrédients tropicaux, comme le gingembre ou la fleur d’hibiscus”, détaille Jake. “C’est ce qui donne à notre boisson sa couleur cuivrée”, alors que le sodabi artisanal est transparent. Et si le goût âpre du vin de palme reste, des arômes à la fois fruités et épicés adoucissent le breuvage.

Il a fallu investir pour obtenir une distillation moderne qui respecte les normes internationales en matière d’alcool.

“Le problème avec le sodabi de village, c’est l’alcool frelaté”, explique Emilie Nabet, jeune Française chargée du marketing chez “Tambour”. “Quand on distille, il y a de l’eau, de l’alcool et du méthanol, or le méthanol est dangereux pour la santé, il faut l’extraire et si on n’a pas une vision précise de la température, on ne peut pas savoir quand il sort”.

La distillerie tourne 24h/24 avec trois salariés mais dispose d’une capacité de production limitée à quelque 300 grandes bouteilles par mois, faute d’infrastructures suffisantes.

Jake Muhleman dit miser sur une levée de fonds prochaine pour développer l’activité.

La marque “Tambour” a été choisie car elle est “facile à prononcer en anglais”, s’amuse le trentenaire, et parce que le tambour “est lié à la culture d’ici, les gens l’associent à l’Afrique de l’Ouest”.

Cocktails

La consécration est venue en 2015, lorsque “Tambour original” a reçu la médaille d’argent au San Francisco World Spirits Competition, le concours de liqueurs le plus prestigieux d’Amérique du Nord. La boisson est aujourd’hui disponible dans une trentaine de bars et de magasins de spiritueux de la côte Est des Etats-Unis.

Au Bénin, les débuts ont été plus difficiles. Jake a réussi à convaincre quelques supermarchés et bars, qui étaient peu habitués à vendre du sodabi. Le prix surtout était un frein: 8.000 francs CFA la bouteille de 37,5 cl (12 euros), contre 800 à 1.000 FCFA le litre acheté au village (1,5 euro).

Khaled Baaklini, propriétaire du “Code Bar”, un établissement branché de Cotonou, a été le premier à élaborer des cocktails avec du sodabi. “C’est un produit raffiné, un vrai spiritueux”, s’enthousiasme ce Béninois d’origine libanaise.

“C’est génial que cet Américain mette en valeur un produit typiquement béninois”, s’enthousiasme Khaled. “Personne n’avait pensé à faire ça avant lui”.

AFP

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