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L’activiste nigérian Ken Saro-Wiwa et huit militants Ogoni graciés à titre posthume

Des manifestants marchent pour commémorer l'anniversaire de l'exécution de Ken Saro-Wiwa par une junte militaire dans la ville de Port Harcourt. Jeudi 10 novembre 2005   -  
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SUNDAY ALAMBA/AP2005

Nigéria

À l’occasion de la Journée de la démocratie, célébrée le 12 juin, le président nigérian Bola Ahmed Tinubu a annoncé l’octroi d’une grâce présidentielle à titre posthume à l’écrivain Ken Saro-Wiwa et à huit autres militants Ogoni exécutés en 1995 sous la dictature militaire de Sani Abacha.

Ce pardon national aux « Ogoni Nine » – parmi lesquels figuraient Saturday Dobee, Nordu Eawo, Barinem Kiobel, John Kpuine et d'autres figures de la contestation environnementale – intervient près de trois décennies après leur pendaison dans la prison de Port Harcourt, le 10 novembre 1995.

À l’époque, leur exécution avait provoqué une onde de choc mondiale. Le régime d’Abacha, sourd aux appels à la clémence émanant de personnalités telles que Bill Clinton, Nelson Mandela ou Desmond Tutu, avait choisi de défier la communauté internationale en exécutant les militants le jour même de l’ouverture du sommet du Commonwealth à Auckland.

Ken Saro-Wiwa, écrivain, producteur de télévision et militant infatigable des droits des Ogoni, avait dénoncé dès les années 1990 les ravages causés par l’exploitation pétrolière dans le delta du Niger, notamment ceux de la multinationale Shell. Fondateur du MOSOP (Mouvement pour la survie du peuple ogoni), il s'était efforcé de conjuguer l’action politique et l’engagement environnemental, défendant avec une rare éloquence les droits d’une communauté marginalisée, victime de la pollution, de l’expropriation et de la répression.

À travers son ouvrage Genocide in Nigeria: The Ogoni Tragedy (1992), il avait exposé au grand jour les effets destructeurs des fuites d’hydrocarbures, l'inaction coupable des autorités nigérianes et la complicité présumée de Shell dans la répression des protestations.

Le procès des neuf militants avait été entaché d’irrégularités manifestes. Amnesty International le qualifie encore aujourd’hui de « mascarade judiciaire ». Les chefs d’accusation – notamment celui d’avoir orchestré l’assassinat de chefs coutumiers pro-gouvernementaux lors d’un rassemblement en 1994 – se fondaient sur des témoignages extorqués et des preuves douteuses. La brutalité de leur exécution, au terme d’un rituel humiliant, a marqué les mémoires. Selon certains récits, les bourreaux durent s’y reprendre à plusieurs reprises pour mettre fin aux souffrances de Saro-Wiwa.

Si l’annonce de Tinubu est accueillie comme une avancée morale, elle reste, selon plusieurs ONG, largement insuffisante. Amnesty International a salué une mesure « bienvenue », mais estime qu’elle « ne saurait remplacer une reconnaissance pleine et entière de l’innocence des condamnés ». L’organisation appelle à une exoneration officielle, à l’engagement d’une procédure de réhabilitation judiciaire et à la réparation des torts infligés aux familles des victimes.

En parallèle, les appels à tenir les compagnies pétrolières responsables de la dévastation environnementale dans le delta du Niger se multiplient. Shell, qui a nié tout rôle dans les arrestations et les actes de torture signalés à l'époque, fait actuellement face à plusieurs procédures devant la justice britannique, intentées par des membres de la communauté ogoni.

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