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Eswatini : un avocat vit dans la peur depuis l'assassinat de Thulani Maseko

Sibusiso Nhlabatsi, avocat spécialisé dans les droits de l'homme   -  
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2023

Eswatini

Travailler comme avocat spécialisé dans les droits de l'homme n'est pas pour les âmes sensibles en Eswatini, la dernière monarchie absolue d'Afrique, anciennement connue sous le nom de Swaziland. Le mentor de Sibusiso Nhlabatsi, Thulani Maseko, a été assassiné de sang-froid devant sa famille au début de l'année, dans un meurtre qui a choqué le monde entier, et personne n'a encore été arrêté.

Avocat et défenseur des droits de l'homme dans la dernière monarchie absolue d'Afrique, Eswatini, Sibusiso Nhlabatsi a vu la dépouille de son mentor et "frère" de combat pour la démocratie chargée à l'arrière d'un fourgon de police, après un froid assassinat un soir de janvier.

Grand, impeccable dans un costume clair et une chemise blanche, l'avocat de 38 ans avance dans l'herbe parsemée de bouses de vache d'une prairie éloignée du centre de la capitale Mbabane. Il n'est pas tranquille à l'idée de parler de ces choses-là dans son bureau.

Le 21 janvier, Thulani Maseko, avocat défendant les droits humains et opposant influent dans l'intraitable monarchie d'Afrique australe qui a tenu vendredi des élections législatives - peu susceptibles de changer la donne politique dans le pays - a été abattu chez lui.

Des tirs à travers une fenêtre. Il avait 52 ans.

Ce soir-là, Sibusiso Nhlabatsi se sent fatigué. Quand le téléphone sonne, il ne répond pas. Il est plus de 21H00 et il veut aller se coucher.

Vaincu par la sonnerie insistante, il finit par décrocher: "La femme de Maseko veut te joindre, c'est urgent". Inquiet, il appelle l'épouse de son ami et confrère.

"Dans mon esprit, on lui avait tiré dessus et je me suis dit que j'allais conduire jusque chez lui et que je pourrais l'emmener à l'hôpital", raconte-t-il lors d'un entretien à l'AFP.

"Quand je suis arrivé, il était là, allongé", dit-il. La gorge nouée et les yeux embués de larmes derrière des lunette studieuses, il poursuit: "Il n'était plus".

Une ombre, puis des tirs

La police est déjà sur place et la maison est devenue une scène de crime. Sibusiso Nhlabatsi ne peut qu'observer les enquêteurs inspecter vaguement les lieux et enlever le corps inerte.

"Il passait une soirée normale en famille", raconte celui qui depuis se sent investi du devoir de prendre la relève et défend de nombreux opposants au régime dans les tribunaux.

Thulani Maseko était installé confortablement avec ses deux fils devant un match de football. Sa femme occupée à préparer le dîner. Elle a vu passer une ombre. Soudain, elle réalise qu'une arme est pointée en direction de son mari : elle n'a pas le temps de crier, deux détonations retentissent.

"C'était fini", lâche Sibusiso Nhlabatsi. "L'assassin a tourné les talons. Il n'a pas couru, il est parti en marchant. Quelqu'un l'attendait sans doute quelque part", devine l'avocat.

Quelques heures avant le meurtre, le roi Mswati III avait mis en garde ses opposants, déclarant que ceux-ci "ne devraient pas se plaindre de mercenaires qui les tuent" car "ils ont commencé la violence".

Thulani Maseko avait engagé une procédure judiciaire contre le monarque omnipotent pour avoir, en 2018, rebaptisé par décret le pays anciennement appelé Swaziland, Eswatini. Mais dans le petit pays enclavé situé entre l'Afrique du Sud et le Mozambique, le roi supporte mal la contestation.

La police et l'armée ont violemment réprimé une protestation pro-démocratie qui a secoué le régime ces dernières années, faisant une quarantaine de morts en 2021. Nombre d'opposants sont en prison ou ont fui un pays où Mswati III peut dissoudre le Parlement, le gouvernement et peut nommer ou démettre les juges.

Pour Sibusiso Nhlabatsi, "le régime" est derrière l'assassinat. Il avoue vivre désormais "au jour le jour" et "dans la peur".

Aucune information sur l'enquête après le meurtre n'a été divulguée à ce stade.

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