Inspire middle east
Pour ce nouvel épisode, Inspire Middle East s'intéresse à l'histoire et au patrimoine de la péninsule arabique. Nous en apprenons davantage sur l'écriture safaïtique, qui s'est développée dans le nord de l'Arabie il y a plus de deux millénaires. Nous découvrons également le henné émirati moderne avec la jeune entrepreneuseAzra Khamissa, et la ville fascinante d'Al-Aïn, aux Émirats arabes unis.
La cité d'Al-Aïn, perle du désert
L'oasis d'Al-Aïn est située au nord-est du désert de Rub’Al Khali. Surnommé le "quart vide", il s'agit de la plus grande étendue ininterrompue de sable au monde. C'est aussi là qu'on trouve la plus grande concentration de châteaux et de forteresses des Émirats arabes unis (EAU).
La ville d'Al-Aïn, située au cœur de l'oasis, aurait près de 10 000 ans. Elle est composée de structures complexes, qui protégeaient les sources d'eau et d'irrigation de la cité. Découvert dans les années 60, un labyrinthe d'aqueducs servait, lui, à transporter l'eau des montagnes jusqu'aux habitations, 15 kilomètres plus loin.
Un écosystème complet, comme le raconte Omar Alkaabi, du Département de la culture et du tourisme d'Abu Dhabi : "Il y a dans l'oasis de grands arbres, comme les palmiers par exemple, qui font de l'ombre à d'autres types d'arbres, comme les orangers ou les figuiers. Ensuite, ceux-ci font de l'ombre aux légumes ou d'autres herbes, qui sont utilisés pour nourrir les animaux."
L'oasis compte aujourd'hui près de 150 000 palmiers. L'aquifère souterrain a été remonté à la surface grâce à des tunnels, recouverts de pierres pour empêcher l'évaporation et les contaminations. Un réservoir d'eau ouvert, facilement accessible pour les agriculteurs et la population croissante de la cité.
Comme le dit le diction, là où il y a de l'eau, il y a de la vie. Ainsi à Al-Aïn, l'extension des cours d'eau et des systèmes d'irrigation a entraîné une "nouvelle vague" d'urbanisation, qui a permis le développement de l'architecture caractéristique du pays.
La forteresse d'Al Muwaji, datant du début du 20e siècle, a été construite avec des briques composées d'eau et de sable : la pierre angulaire du développement urbain des EAU. Cette structure imposante était à l'époque le symbole de l'architecture moderne. Ses briques, assemblées avec du mortier, s'emboîtaient comme des pièces de puzzle. Par la suite, des structures plus élaborées ont été construites.
"Au début, c'était peut-être des maisons de petite taille, avec une ou deux pièces et un mur d'enceinte, explique Aqeel Aqeel, architecte en conservation. Mais plus tard, les familles se sont agrandies, et donc ils ont commencé à ajouter des chambres et à agrandir la zone. Et à certains moments, les habitants pouvaient être été attaqués par une autre tribu ou un autre peuple. Alors ils ont commencé à élever des murs, et construire des tours de guet."
Grâce à d'importants travaux de restaurations, Al Muwaji est aujourd'hui une fenêtre sur le passé, avec ses plafonds en feuilles de palmier tressées et ses intérieurs plâtrés en argile.
Le Palais d'Al-Aïn est une autre forteresse bien conservée et réhabilité. Si elle servait autrefois de logement à la famille royale d'Abu Dhabi, c'est aujourd'hui une attraction touristique populaire, qui permet aux visiteurs de découvrir l'histoire des Émirats. Elle est également l'une des premières sources d'inspiration des "villes gratte-ciel", qui parsèment aujourd'hui le littoral des Émirats arabes unis.
Azra Khamissa, de l'or au bout des doigts
L'art du henné remonte à plusieurs milliers d'années, toutefois, il a connu de nombreuses évolutions au fil des siècles. Les tatouages temporaires des mains et des pieds, au motifs élaborés, symétriques et géométriques, ont des racines profondes dans la péninsule arabique, le sous-continent indien et l'Afrique du Nord. On les réalise traditionnellement lors de célébrations, comme les mariages, la fête de Diwali ou l'Aïd.
Traditionnellement, les feuilles de henné étaient réduites en poudre et mélangées à de l'eau, du jus de citron et du sucre. Mais pour prolonger le tatouage au-delà d'une semaine, certains fournisseurs se sont récemment mis à ajouter des ingrédients potentiellement nocifs, trouvés dans les teintures capillaires.
Adepte du henné naturel et jeune entrepreneuse, l'émiratie Azra Khamissa a récemment lancé ses propres kits de henné non toxique, contenant des huiles essentielles, de l'eucalyptus et de la lavande, pour nourrir et embellir la peau en toute sécurité et combler un vide sur le marché.
"Le henné qu'on trouve en rayon y est généralement depuis un certain temps, il n’est pas frais et il y a toujours des produits chimiques. Je voulais donc proposer quelque chose que les gens puissent utiliser à la maison et qu'ils puissent mélanger eux-mêmes", explique la jeune femme.
Le projet d'Azra, qui est également chiropraticienne, a rapidement gagné un large public sur les réseaux sociaux. Elle présente ses motifs contemporains sur des plateformes comme Instagram.
"Le design le plus populaire est celui que j'appelle le gant. Il est inspiré par l'anatomie du corps. Donc, il va partout, jusqu'au bout des doigts", détaille Azra. "Sinon, il y a aussi les lunes. Tout le monde les aime, surtout pour le Ramadan et l'Aïd. C'est un design très populaire. Et les filles adorent les dessins floraux. Je n'en fais pas beaucoup, ceux que je dessine sont en général assez simples et pas trop difficiles à faire soi-même."
L'objectif d'Azra est de dépasser l'imaginaire ethnique et culturel associé au henné, et de le rendre accessible à tous, y compris aux artistes internationaux. "Si je pouvais réaliser un tatouage pour un artiste, ce serait pour la chanteuse britannique M.I.A. J'aimerais vraiment faire un imprimé léopard sur tout le corps, même si cela serait un peu osé, en tout cas dans mon monde. Je pense que ce serait vraiment génial d'essayer de dessiner ça sur quelqu'un."
Azra entend exporter sa marque au-delà du Moyen Orient dans les années à venir, et profiter de l'engouement mondial pour les tatouages temporaires - un marché qui a rapporté près de 827 millions de dollars l'année dernière, selon Market Watch.
"J'aimerais simplement qu'il soit possible pour n'importe qui, à tout moment, de trouver des produits au henné de haute qualité. Comme on peut trouver facilement un studio de tatouage, pas tellement au Moyen-Orient, mais dans le reste du monde", raconte la jeune femme d'affaire.
Alors qu'elle continue de construire son empire du tatouage temporaire, Azra rêve de laisser une marque indélébile sur le marché de la beauté.
L'écriture safaïtique lève le voile d'un passé méconnu
S'étendant du sud de la Syrie, au nord-est de la Jordanie et à l'Arabie Saoudite, le désert d'Al Harrah Al Shamah, resté intact pendant des siècles, renferme les secrets d'un passé oublié.
Au cœur de cette vaste étendue de sable se trouve une mer de pierres et de rochers de basalte. On y trouve des gravures représentant des chameaux, des gazelles et des chasseurs, ainsi que d'anciennes inscriptions. Nombre d'entre elles sont en écriture safaïtique, un alphabet ancien, né dans le nord de l'Arabie il y a plus de deux millénaires.
L'histoire de cette région est souvent associée à la naissance de l'Islam, mais on sait peu de choses sur son passé préislamique. Ces gravures fournissent donc un témoignage précieux sur cette époque méconnue.
Le docteur Ahmad Al-Jallad, professeur à l'Université d'Etat de l'Ohio (Etats-Unis), analyse l'origine et l'authenticité des textes et des inscriptions. "Il y a deux Arabies antiques, l'Arabie de la mythologie et du folklore et l'Arabie antique réelle, raconte-t-il. Et pour étudier ce monde réel, il faut aller sur le terrain. Vous devez faire des enquêtes, vous devez creuser, vous devez lire ces inscriptions. Et c'est seulement comme ça que vous pourrez retracer les vies, les langues, les cultures des gens qui peuplaient réellement la péninsule arabique avant l'Islam."
Avec plus de 50 000 textes écrits en alphabet safaïtique, ce désert abrite le plus grand corpus d'inscriptions préislamiques. Il atteste également des premières étapes de la langue arabe, remettant en cause l'idée qu'elle serait apparue au premier siècle de notre ère. La langue arabe aurait en fait émergé avant la montée du christianisme
En créant un dictionnaire et un portail de grammaire en ligne, Ahmad a commencé à écrire la première histoire factuelle de l'arabe et de ses locuteurs, avant l'Islam. "C'est un choc absolu quand vous commencez à lire les inscriptions qui se trouvent sur le rocher à un Jordanien local, qui peut déchiffrer 60 à 70 % du texte, alors que vous lisez un document vieux de 2000 ans", s'enthousiasme le professeur.
Ces dessins rupestres sont considérés comme l'une des premières formes de graffitis et d'expression artistique de la région. Lorsque la peintre jordanienne Rawan Al Adwan est tombée par hasard sur ces gravures safaïtes, elle a été surprise de réaliser à quel point l'histoire ancienne de son pays était si méconnue. "Depuis que je les ai vus dans le désert, je les ai étudiés pour observer leur beauté. J'ai produit des peintures qui reflètent leur essence mais avec une nouvelle composition et une nouvelle couleur", raconte la peintre.
Pour Ahmad et Rawan, il est essentiel de documenter et de préserver ces pierres anciennes, car plus nous en saurons sur ces reliques, plus nous comprendrons les origines culturelles et linguistiques du monde arabe.
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