République démocratique du Congo
Une première contestée, mais une première quand même : la République démocratique du Congo s’apprête jeudi à vivre une transmission pacifique sans précédent du pouvoir présidentiel, qui va passer des mains de Joseph Kabila à Félix Tshisekedi.
Cet événement inédit au Congo et rare en Afrique centrale est le résultat, outre les élections du 30 décembre, d’un “rapprochement” entre le président sortant et son successeur issu de l’opposition et des pressions sur le pouvoir en place depuis quatre ans.
Avant la prestation de serment jeudi, M. Tshisekedi ou ses proches de M. Tshisekedi ont rencontré des officiels et des généraux issus de l’appareil d‘État et sécuritaire sur lesquels M. Kabila règne depuis 18 ans.
Le président Tshisekedi devra désigner un “informateur” pour identifier un chef de gouvernement au sein de la majorité de l’Assemblée nationale qui reste largement acquise aux amis du président sortant Kabila.
Les deux coalitions pro-Kabila Front commun pour le Congo (FCC) et pro-Tshisekedi Cap pour le changement (Cach) ont signé un “accord de coalition politique” et de “partage de pouvoir”, d’après un document que l’AFP s’est procuré.
Ce document prévoit une “répartition par famille politique des postes ministériels et autres postes administratifs”.
Il prévoit que les ministères régaliens (Affaires étrangères, Défense et Intérieur) doivent “comme cela est de doctrine certaine, revenir à la famille politique du président élu”.
L’accord prévoit également “l’occupation, par rotation, du poste de Premier ministre, tous les cinq ans”.
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L’accord n’est pas daté, rappelant qu’“en date du 9 janvier”, la Commission électorale a proclamé la victoire de M. Tshisekedi à la présidentielle.
Ces résultats validés par la Cour constitutionnelle sont contestés par l’autre candidat de l’opposition Martin Fayulu, qui dénonce un “putsch électoral” orchestré par M. Kabila avec la complicité de M. Tshisekedi.
M. Fayulu était le candidat d’une coalition d’opposants (Lamuka), soutenue par deux poids-lourds vivant en Belgique, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi.
M. Tshisekedi et son allié Vital Kamerhe s‘étaient retirés de cet accord de coalition 24 heures après l’avoir signé à Genève le 11 novembre.
Cette division de l’opposition offrait un répit et une alternative au pouvoir sortant.
“Fayulu était disqualifiée pour l’alternance: le président Kabila était convaincu que (ses alliés) Katumbi et Bemba avec l’appui des Belges voulaient la guerre”, assure un proche du chef de l‘État.
Le départ de M. Kabila est aussi le fruit de sanctions et de pressions sur le président sortant qui se sont accentuées à l’approche de la fin de son deuxième et dernier mandat en décembre 2016.
Des manifestations anti-pouvoir ont été violemment réprimées (janvier 2015, septembre et décembre 2016, janvier et février 2018), qui ont suscité la réprobation des partenaires occidentaux de la RDC (sanctions de l’Union européenne début 2017).
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“Le président s’est rendu compte au fil des ans que la haine montait contre lui”, confie un membre de son entourage.
M. Kabila confirme en expliquant à Jeune Afrique pourquoi il s’est laissé poussé une barbe poivre et sel : “Il y a deux ans et demi environ, je me suis posé beaucoup de questions sur l’origine de la haine que certaines personnes éprouvaient à mon encontre. Cela a déclenché en moi un sentiment de révolte. Cette barbe, c’est celle du rebelle que dans le fond je n’ai jamais cessé d‘être”.
Conséquence : M. Kabila n’a pas bricolé la Constitution pour rester au pouvoir, comme l’ont fait d’autres dans la région (Denis Sassou Nguesso à Brazzaville ou Paul Kagame au Rwanda).
Il a espéré conserver le pouvoir à travers son “dauphin”, l’ex-ministre de l’Intérieur sous sanctions européennes Emmanuel Ramazani Shadary.
“Mais Ramazani Shadary a symbolisé le rejet (du pouvoir en place). En fin stratège militaire, le président a préféré reculer pour mieux sauter”, avance la source dans son entourage.
Certains prêtent au président Kabila, qui reste sénateur à vie au sein d’une confortable majorité parlementaire, l’intention de revenir au pouvoir, sur le modèle de Vladimir Poutine quand il avait temporairement confié les rênes de la Russie à Dimitri Medvedev.
“Je ne lis pas le russe. Il faudra que je m’y mette”, a plaisanté M. Kabila interrogé par Jeune Afrique. A 47 ans, il reste le plus jeune président africain à l’heure de sa sortie, après le Malgache Andry Rajoelina.
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