Bienvenue sur Africanews

Merci de choisir votre version

Regarder en direct

This Is Culture

this-is-culture

Le photographe belgo-marocain Mous Lamrabat réinvente la culture pop en Afrique

Jusqu'au 18 janvier 2026, le photographe Mous Lamrabat présentera « Moustalgia », sa première exposition en France, à la galerie Faces de Marseille.   -  
Copyright © africanews
Cleared

France

Chez Mous Lamrabat, la couleur n’est jamais innocente. Derrière l’esthétique pop, les compositions ludiques et l’humour visuel se cache une réflexion profonde sur l’identité, la représentation et les rapports de pouvoir.

Photographe belgo-marocain, Lamrabat construit depuis plusieurs années une œuvre immédiatement reconnaissable, où la nostalgie personnelle devient un outil critique, et où l’image sert de levier pour rendre visibles des récits longtemps marginalisés.

Sa série Moustalgia s’inscrit pleinement dans cette démarche. Inspirée des chambres d’adolescents tapissées d’icônes (sportifs, super-héros, stars de la pop) elle interroge sur la fabrication des rêves, des modèles et des désirs, en particulier chez les jeunes issus de l’immigration ou des classes populaires. Derrière ces images familières se joue une question essentielle : qui a le droit d’être un héros, une référence, une image admirée ?

Le logo comme symptôme d’un manque et déclencheur de création

L’engagement de Mous Lamrabat trouve ses racines dans son adolescence. Très tôt, il développe une fascination pour les marques et leurs logos, non pas comme simple attirance esthétique, mais comme projection sociale et symbolique.

« À l’âge de quinze ou seize ans, j’entretenais une véritable fascination pour les logos. Cette obsession relevait aussi d’un sentiment de manque : nous n’avions ni chaussures coûteuses ni baskets emblématiques de marques comme Nike ou Jordan. Ces objets étaient alors idéalisés, placés sur un piédestal. »

Dans ce contexte de désir inaccessible, le logo devient un signe de reconnaissance, presque un langage. Le montrer, le rendre visible, c’est affirmer une appartenance rêvée. « Cette attention portée aux marques constituait en réalité un mécanisme de compensation face à l’impossibilité d’accéder à tout ce que nous désirions. »

Ce manque, loin de l’enfermer, va nourrir sa créativité. Avec le recul, Lamrabat y voit un moteur fondateur : « J’en éprouve une profonde gratitude, car c’est précisément dans ce contexte que s’est éveillée ma créativité. »

Aujourd’hui encore, cette relation ambivalente aux symboles occidentaux irrigue son travail : logos détournés, marques hybridées avec des éléments de cultures africaines, vêtements traditionnels confrontés à l’imaginaire globalisé. Loin de la simple provocation, ces images révèlent les fractures sociales et culturelles tout en proposant de nouvelles narrations visuelles.

Rendre visible l’invisible : l’art comme espace de revendication

L'œuvre de Mous Lamrabat agit sur le terrain de la représentation, un espace où les corps noirs, racisés ou issus de la diaspora restent sous-représentés ou enfermés dans des stéréotypes.

« Mettre l’Afrique sous les projecteurs demeure un enjeu essentiel. Il est triste de le constater, mais dans de nombreux pays européens et occidentaux, les personnes noires et racisées continuent d’être confrontées à des formes de marginalisation persistantes. »

Cette marginalisation, souvent silencieuse, repose sur une hiérarchie implicite que l’image contribue à perpétuer. Pour Lamrabat, l’art devient alors une stratégie.

« L’art devient un espace stratégique : une voie d’accès, un moyen d’affirmation. Il nous permet de revendiquer notre place, de démontrer notre richesse créative. »

Ses photographies ne demandent pas la permission. Elles affirment, avec assurance et fierté :

« Regardez ce que nous possédons, regardez ce que nous sommes capables de produire. »

En reconfigurant ces icônes, en les réinterprétant à travers des corps et des codes culturels longtemps absents des murs de chambres, il propose de nouveaux modèles. Moustalgia ne regarde pas le passé avec mélancolie, mais avec lucidité : elle questionne ce qui a manqué, ce qui a été fantasmé, et ce qui peut désormais être reconstruit.

Voir plus