Coup d'Etat
Depuis 2020, neuf pays d’Afrique ont connu des coups d’État. Voici ce qu’il faut savoir sur les raisons pour lesquelles certains pays du continent sont plus exposés aux prises de pouvoir militaires.
C’était devenu une scène familière en Afrique de l’Ouest. Un groupe de soldats est apparu dimanche à la télévision d’État au Bénin pour annoncer qu’il avait pris le pouvoir. Quelques heures plus tard, le président a déclaré que le coup d’État avait été déjoué. Deux semaines plus tôt, des soldats avaient pris le pouvoir dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest, la Guinée-Bissau, après une élection présidentielle très disputée.
Les récents coups d’État en Afrique reflètent l’aggravation des griefs socio-économiques, l’affaiblissement des institutions et la frustration face à la gestion par les gouvernements civils des crises sécuritaires, selon Beverly Ochieng, analyste au cabinet de conseil Control Risks Group.
"Dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, où les armées restent profondément impliquées dans la politique quotidienne, des crises comme les insurrections et des griefs socio-économiques persistants poussent souvent les soldats à intervenir lorsqu’ils estiment que les dirigeants civils ne réagissent pas efficacement", explique Ochieng.
Phénomène
Ce phénomène n’est pas propre à l’Afrique de l’Ouest. En octobre, des dirigeants militaires ont pris le pouvoir sur l’île de Madagascar, dans le sud de l’Afrique, à la suite de manifestations menées par des jeunes réclamant la démission du président Andry Rajoelina. Celui-ci a ensuite fui le pays tandis que le Parlement votait sa destitution.
En 2023, des soldats du Gabon, pays d’Afrique centrale riche en pétrole, ont renversé le président de longue date Ali Bongo peu après qu’il a été déclaré vainqueur de l’élection. Le chef du coup d’État, Brice Oligui Nguema, cousin de Bongo, a pris le pouvoir et a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle d’avril.
Au Tchad, après la mort de son père en avril 2021, le général Mahamat Idriss Déby a pris le pouvoir, prolongeant les trois décennies de règne de sa famille sur ce pays d’Afrique centrale.
En septembre 2021, un groupe de soldats en Guinée, dirigé par Mamady Doumbouya, a renversé le président Alpha Condé, qui avait modifié la Constitution pour briguer un troisième mandat. Doumbouya est candidat à l’élection présidentielle de décembre, après qu’un référendum cette année a autorisé les membres de la junte à se présenter.
Corruption
Au Soudan, l’armée, dirigée par le général Abdel-Fattah Burhan, a mené un coup d’État en octobre 2021, renversant Omar el-Béchir, qui était au pouvoir depuis 26 ans.
Des dirigeants militaires ont également pris le pouvoir par la force au Mali en 2020 et 2021, au Burkina Faso en 2022 et au Niger en 2023. Ces trois pays de la région sahélienne aride sont en proie à des attaques extrémistes, tout en promettant d’assurer davantage de sécurité aux citoyens.
Les perceptions généralisées de corruption parmi les élites politiques et leur incapacité à contenir les insurrections ont conduit de nombreux jeunes Africains à se désillusionner de la gouvernance démocratique dans leur pays.
Une enquête menée l’an dernier par le réseau de recherche Afrobarometer, basé au Ghana, a révélé que, même si les jeunes Africains préfèrent la démocratie à toute forme d’alternative autoritaire, ils sont plus susceptibles que leurs aînés d’être insatisfaits du fonctionnement de la démocratie dans leur pays.
Anciennes colonies françaises
À l’exception du Soudan, ancienne colonie britannique, et de la Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise, les coups d’État en Afrique ces dernières années ont eu lieu dans d’anciennes colonies françaises.
Bakary Sambe, directeur de l’Institut Timbuktu basé au Sénégal, explique que la fréquence des coups d’État en Afrique francophone s’explique en grande partie par les systèmes politiques des pays — fortement influencés par la France, avec des pouvoirs présidentiels étendus — et leur dépendance économique à l’égard de la France après l’indépendance.
"Ajoutez à cela une gouvernance faible marquée par la corruption et l’incapacité à faire face aux menaces djihadistes dans le Sahel, et vous obtenez un terrain fertile pour des armées qui se présentent comme des 'sauveurs'", explique Sambe.
"Les institutions anglophones postcoloniales, en revanche, influencées par un modèle britannique plus décentralisé, ont favorisé des transitions démocratiques plus stables, avec des économies plus diversifiées et un contrôle monétaire extérieur moindre", ajoute-t-il.
Ochieng note également que le rôle de l’armée dans la politique diffère entre de nombreuses anciennes colonies françaises et britanniques.
"Dans de nombreux pays africains anglophones, l’armée, l’exécutif et le pouvoir judiciaire sont plus nettement séparés, et cette séparation des pouvoirs signifie qu’ils coexistent plutôt que de se chevaucher d’une manière qui brouille l’autorité ou crée de la confusion sur qui dirige", dit-elle.
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