Kenya
Le Kenya pleure l’un de ses plus grands écrivains. Ngũgĩ wa Thiong’o est décédé mercredi 28 mai aux États-Unis, à l’âge de 87 ans, après une longue maladie. Romancier, dramaturge, penseur, il laisse derrière lui une œuvre monumentale qui a marqué l’Afrique et le monde.
Ngũgĩ était bien plus qu’un écrivain : il était un esprit libre et une conscience éveillée. Depuis ses premiers romans dans les années 1960, comme Weep Not, Child, il n’a cessé de dénoncer les ravages du colonialisme et les dérives autoritaires post-indépendance. Son engagement lui a valu l’emprisonnement en 1977, puis l’exil.
« Il a touché le cœur des gens. Les Africains ont été colonisés et le colonialisme n'était pas seulement économique, c'était aussi une destruction culturelle. Parler de cela, c'était très impressionnant. Je veux dire, parler, c'est comme dire qu'il a été envoyé par Dieu », confie l’auteur et éditeur David Maillu.
Ngũgĩ wa Thiong’o était aussi un fervent défenseur des langues africaines. Dans les années 1980, il fit le choix audacieux d’abandonner l’anglais pour écrire exclusivement en kikuyu, sa langue maternelle. Un acte de résistance linguistique, mais aussi une déclaration d’amour à ses racines.
Pour de nombreux Kényans, ses livres ont été des compagnons de jeunesse. « C'est une légende vivante. Nous ne l'avons pas perdu et la meilleure façon de le montrer, c'est par des exemples vivants de ces livres que j'ai pu prendre moi-même au lycée. Il vit à travers le travail de ses mains », témoigne Sophia Waweru, autrice.
Son œuvre, traduite dans des dizaines de langues, inclut des titres majeurs comme Petals of Blood*, Decolonising the Mind ou encore *The Wizard of the Crow. Elle a influencé des écrivains du monde entier, de Chimamanda Ngozi Adichie à John Updike, et jusqu’à l’ancien président Barack Obama.
Ngũgĩ, c’était aussi une mémoire vivante de l’Afrique. « Il aimait vraiment sa culture et son peuple et il l'a très bien documentée. En plus d'être un bon conteur, il pose les fondations pour que les Africains apprécient leurs noms et leur couleur », explique Abdulahi Bulle, propriétaire d’une librairie à Nairobi.
Il laisse derrière lui neuf enfants, une pensée engagée, et une œuvre essentielle. Si le silence s’est refermé sur sa voix, ses mots, eux, continueront d’éclairer l’Afrique.
Aller à la video
Afrique du Sud : décès de Presley Chweneyagae, acteur de "Tsotsi"
01:11
La Namibie commémore le génocide des Hereros et des Namas
01:01
Pakistan : 5 morts dans un attentant-suicide contre un bus scolaire
00:51
Rugby : décès de l'ex-Springbok Cornal Hendricks à 37 ans
01:09
Uruguay : l'adieu à José Mujica, "le président des pauvres"
01:52
Massacres du 8 mai 1945 : l'Algérie attend toujours les excuses de la France