Zimbabwe
Le Zimbabwe tient samedi des élections législatives partielles auxquelles la quasi totalité des candidats de l'opposition ont été interdits de participer, le président Emmerson Mnangagwa cherchant à s'assurer, selon les observateurs, un long règne sans partage.
Le pays d'Afrique australe a tenu des élections générales en août. Le scrutin, dont la régularité a été mise en doute, a offert un second mandat au président de 81 ans, et 177 sièges sur 280 au Parlement à son parti, la Zanu-PF.
Il n'a manqué que 10 sièges au parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1980 pour décrocher la majorité des deux tiers et être libre de réviser les lois du pays.
Mais deux mois après le scrutin et à l'issue d'un ubuesque stratagème, 14 députés de l'opposition ont été démis, ouvrant la voie à des élections partielles dans 9 circonscriptions samedi. Et à deux jours du scrutin, un tribunal de Harare a ordonné que 8 des 9 candidats du premier parti d'opposition, la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), soient interdits de se présenter.
Cette situation "sape tout espoir de démocratie au Zimbabwe", a estimé auprès de l'AFP le professeur de politique africaine à l'université de Birmingham, Nic Cheeseman.
La crise a été déclenchée par une lettre, truffée de fautes d'orthographe, adressée en octobre au président du Parlement par un homme nommé Sengezo Tshabangu, se présentant comme le "secrétaire général par intérim" de la CCC, mais qualifié d'"imposteur" par le parti d'opposition.
Il y déclarait que 15 députés, ayant quitté le parti, ne pouvaient pas conserver leur siège.
Le dirigeant de la CCC, Nelson Chamisa, avait demandé au Parlement de ne pas tenir compte de cette lettre: la CCC n'a pas de secrétaire général et le parti n'a ni expulsé, ni rappelé de députés, avait-il expliqué.
Mais le président du Parlement, membre de la Zanu-PF, a déclaré les sièges vacants auprès de la commission électorale.
La Zanu-PF a nié être toute machination: "Nous avons une opposition irresponsable, égoïste et en état d'implosion", a déclaré à l'AFP le porte-parole du parti, Farai Marapira.
- "Les gens sont fatigués" -
A Mabvuku, une banlieue de Harare appelée aux urnes samedi, quelques rares affiches électorales sont visibles dans les rues. C'est la seule circonscription où la CCC a encore un candidat en lice.
Mais "je ne serai pas surpris si la Zanu-PF l'emporte. Il y a une apathie, les gens sont fatigués", avoue Gladmore, 28 ans, du quartier.
Le Zimbabwe est accablé depuis une vingtaine d'années par une profonde crise économique. Le pays est plombé par les coupures de courant, les pénuries et un chômage endémique.
Selon les spécialistes, ces élections partielles sont la première étape d'une manœuvre du pouvoir pour rafler la majorité des deux tiers au Parlement. Avec en ligne de mire une modification de la Constitution qui permettrait à Mnangagwa de prolonger son règne en abattant la limite de deux mandats présidentiels.
Surnommé "le crocodile" pour sa réputation de président autoritaire, Mnangagwa avait succédé à la faveur d'un coup d'Etat à Robert Mugabe, écarté en 2017.
Son arrivée au pouvoir avait suscité l'espoir d'un renouveau démocratique et d'un redressement de l'économie, a rappelé Christopher Vandome, chercheur du groupe de réflexion Chatham House.
Mais le Parlement a récemment adopté des lois "liberticides", selon les défenseurs des droits. Et l'opposition dénonce régulièrement une violente répression menée par le pouvoir avec des arrestations et des enlèvements d'opposants.
La CCC bataille devant les tribunaux, jusqu'ici en vain, pour contrer les attaques contre ses parlementaires. Le mois dernier, le parti a perdu 18 nouveaux sièges. Le même scénario qu'auparavant a été employé par le prétendu secrétaire général de la CCC.
"Leurs luttes intestines font nos moissons", a ironisé jeudi Patrick Chinamasa, trésorier de la Zanu-PF, lors d'un rassemblement du parti près de Harare suivi par des milliers de soutiens.
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