Tchad
Le président du Tchad a gracié mercredi, comme il l'avait promis, une nouvelle vague de 67 personnes condamnées pour avoir participé à une manifestation réprimée dans le sang le 20 octobre 2022, et 11 autres pour un "coup d'Etat" déjoué en décembre selon N'Djamena.
Le général Mahamat Idriss Déby Itno avait déjà gracié et fait libérer début avril 380 rebelles, puis, mi-mai, 259 jeunes condamnés dans le cadre de la manifestation d'octobre 2022, assurant vouloir privilégier l'apaisement et la réconciliation nationale.
Quelque 67 jeunes hommes sur 77 condamnés mi-mai de 18 mois à cinq ans de prison ferme, notamment pour "participation à un mouvement insurrectionnel" ou "attroupement non autorisé", ont été graciés dans un décret du chef de l'Etat daté de mercredi, dont l'AFP a obtenu une copie.
Rien n'a filtré sur le sort des dix autres condamnés.
Dans un second décret du même jour, le président Déby a gracié Baradine Berdei Targuio, président de l'Organisation tchadienne des droits de l'Homme (OTDH), et 10 officiers de l'armée. Ils avaient été arrêtés en décembre 2022 et accusés d'avoir fomenté un "coup d'Etat", puis condamnés mi-mai à 20 ans de prison notamment pour "atteinte à l'ordre constitutionnel".
Le 20 octobre 2022, à l'appel d'une opposition déjà sévèrement réprimée, des manifestants avaient défilé à N'Djamena et quelques autres villes pour protester contre le maintien au pouvoir pour deux années supplémentaires du président de transition Mahamat Déby.
Ce jeune général avait été proclamé par l'armée chef de l'Etat le 21 avril 2021 à la tête d'une junte militaire de 15 généraux, à l'annonce de la mort de son père Idriss Déby Itno, tué au front par des tirs des rebelles après avoir dirigé le Tchad 30 années durant d'une main de fer.
Mahamat Déby promettait immédiatement de rendre le pouvoir aux civils par des élections après une période de transition de 18 mois. Mais à son terme, il avait prolongé de deux ans son mandat sur recommandation d'un dialogue de réconciliation nationale boycotté par la quasi-majorité de l'opposition civile et les plus puissants des mouvements rebelles armés.
Les forces de l'ordre avaient violemment réprimé la manifestation du 20 octobre à N'Djamena : le gouvernement avait reconnu la mort de 73 personnes, essentiellement des jeunes hommes tués par balles par les militaires et policiers, mais l'opposition et les ONG avaient assuré que des centaines avaient péri ce jour-là ou les jours suivants dans de gigantesques rafles.
Plus de 600 jeunes hommes, dont au moins 80 mineurs, avaient été arrêtés le 20 octobre et les jours suivants et expédiés dans une prison en plein milieu du désert, à Koro Toro, à plus de 600 km de N'Djamena. Là, ils avaient été jugés, après des mois de détention, sans avocats et sans journalistes de la presse non-gouvernementale.
Plus de la moitié avaient été condamnés à de la prison ferme, les autres à du sursis ou relaxés. Durant le transport des prisonniers à Koro Toro, mais aussi au gré des rafles, des ONG locales et internationales ont affirmé que des dizaines voire des centaines de personnes ont été torturées ou exécutées, ce que les autorités ont démenti.
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