Kenya
La justice kényane a annoncé mardi qu'elle allait poursuivre pour "terrorisme" le pasteur Paul Nthenge Mackenzie, après la mort de 109 personnes dans une forêt du sud-est du Kenya où se réunissaient des membres de sa secte.
Soupçonné d'être impliqué, le pasteur Ezekiel Odero, un des plus influents du pays, doit, lui, comparaître jeudi devant un tribunal, après que son audience prévue mardi a été repoussée, a indiqué à l'AFP l'un de ses avocats.
Les deux hommes sont au centre de l'enquête sur le "massacre de la forêt de Shakahola", dont la révélation a suscité effroi et incompréhension dans ce pays religieux d'Afrique de l'Est.
Paul Nthenghe Mackenzie est accusé d'avoir poussé les adeptes de son Église Internationale de Bonne Nouvelle à mourir de faim "pour rencontrer Jésus" dans la forêt de Shakahola, sur la côte kényane.
Cet ancien chauffeur de taxi devenu pasteur a comparu mardi devant un tribunal de la ville de Malindi, aux côtés de huit co-accusés.
A l'issue de l'audience, il a été transféré à Mombasa, la deuxième ville du pays à une centaine de kilomètres de là, où se trouve "un tribunal habilité à traiter les affaires relevant de la loi de prévention du terrorisme", a déclaré la procureure Vivian Kambaga.
Le président kényan William Ruto l'avait publiquement comparé le 24 avril à un "terroriste", promettant des mesures contre tous ceux qui "utilisent la religion pour faire avancer une idéologie louche et inacceptable".
"Aucune preuve"
Le riche et célèbre télévangéliste Ezekiel Odero sera, lui, fixé sur son sort jeudi.
"Il sera au tribunal (de Mombasa) à 09H00 (06H00 GMT) pour être soit libéré ou soit inculpé", a déclaré un de ses avocats, Danston Omari.
Arrêté jeudi dernier, il a été placé en détention pour une durée de sept jours, le temps de mener des investigations sur sa possible implication.
Selon le parquet, "il existe des informations crédibles reliant les corps exhumés (...) à Shakahola" à "plusieurs adeptes innocents et vulnérables (de l'église d'Odero) qui auraient trouvé la mort".
Le pasteur, qui dirige son église appelée Centre de prière et Église de la Vie Nouvelle, est notamment visé par des enquêtes pour "meurtre", "aide au suicide", "enlèvement", "radicalisation, "crimes contre l'humanité", "cruauté envers des enfants" et "fraude et blanchiment d'argent".
Ses avocats dénoncent une détention infondée sans "aucune preuve", ni "aucune plainte". Dans un document fourni au tribunal et consulté par l'AFP, Ezekiel Odero dit "se dissocier fortement" de Paul Mackenzie et de ses enseignements.
Faim et asphyxie
La découverte de plus d'une centaine de corps, dont une majorité d'enfants, dans la forêt de Shakahola secoue le Kenya depuis plusieurs semaines.
Ce bilan est encore provisoire, les opérations de recherche de fosses communes n'étant pas terminées dans cette forêt où des fidèles du pasteur Mackenzie suivaient ses préceptes de jeûner jusqu'à la mort en attendant la venue de Jésus.
De nombreuses victimes retrouvées semblent être mortes de faim. Mais de premières autopsies menées lundi sur une dizaine de corps ont également révélé deux décès par asphyxie.
L'arrestation d'Ezekiel Odero a par ailleurs dessiné une nouvelle piste dans cette affaire: les victimes pourraient ne pas toutes être des membres de l'Église Internationale de Bonne Nouvelle.
"La police a établi que plusieurs assassinats ont bien eu lieu dans l'enceinte du Ministère de la Vie Nouvelle" à Mavueni, non loin de Malindi, écrivent les procureurs dans un document consulté vendredi par l'AFP.
Les enquêteurs souhaitent aussi vérifier des renseignements selon lesquels "après la mort des fidèles innocents et vulnérables (d'Odero), leurs corps ont été conservés dans une morgue privée (...) avant d'être transportés et enterrés dans la forêt de Shakahola".
Débat et critiques
Ce scandale a ravivé le débat sur l'encadrement des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien qui compte 4.000 "églises", selon des chiffres officiels.
Les précédentes tentatives de réglementation se sont heurtées à une vive opposition, au nom notamment de la liberté de culte.
Un "groupe de travail présidentiel" sur ce sujet doit être lancé cette semaine, a annoncé lundi le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki.
Les autorités sont également sous le feu des critiques pour ne pas avoir empêché les agissements de Paul Nthenge Mackenzie, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes.
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