Ethiopie
Le gouvernement éthiopien a nommé jeudi une figure des rebelles tigréens à la tête du gouvernement par intérim de cette région du nord, étape majeure dans l'application de l'accord de paix signé par les deux camps après deux ans de guerre civile.
"Le Premier ministre Abiy Ahmed a nommé Getachew Reda président de l'administration par intérim de la région du Tigré", ont annoncé les services de M. Ahmed dans un communiqué posté sur Twitter.
Getachew Reda, conseiller du chef du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), Debretsion Gebremichael, était jusque-là porte-parole du mouvement.
Mercredi, les députés éthiopiens avaient retiré le TPLF de la liste des entités terroristes, comme le prévoit l'accord de paix, signé par le mouvement rebelle avec le gouvernement éthiopien en novembre dernier à Pretoria.
La levée de la qualification terroriste a ouvert la voie à la mise en place, également prévue dans l'accord, d'un gouvernement régional tigréen par intérim "inclusif" et dirigé par le TPLF jusqu'à ce que des élections puissent être organisées.
Getachew Reda a été auparavant ministre de l'Information du gouvernement fédéral éthiopien du Premier ministre Hailemariam Desalegn, entre 2012 et 2018.
Il est depuis devenu le visage public du TPLF, pour qui il a signé, avec le conseiller national à la sécurité d'Abiy Ahmed, Redwan Hussein, l'accord de Pretoria conclu avec la médiation de l'Union africaine (UA).
Conformément à l'accord de paix, les combats ont cessé, les services de base (électricité, télécommunications, banques...) ont commencé à être rétablis au Tigré, et les accès à la région - quasi-coupée du monde durant près de deux ans - rouverts, notamment à l'aide humanitaire dont dépendent 90% de ses six millions d'habitants.
Longtemps tout-puissant, le TPLF a gouverné de fait l'Ethiopie durant trois décennies avant d'être progressivement marginalisé à l'arrivée du Premier ministre Abiy Ahmed en 2018, à la faveur de plusieurs mois de contestation populaire.
Ce mouvement était classé terroriste par les autorités éthiopiennes depuis le 6 mai 2021, six mois après le début de la guerre au Tigré.
"En régularisant le TPLF comme instance politique, Addis Abeba a tacitement apporté son soutien à l'administration par intérim proposée au Tigré et à la réintégration des membres du TPLF dans la politique nationale", a commenté Connor Vasey, analyste Afrique chez Eurasia Group.
"La formation d'une administration par intérim est un tremplin essentiel pour faire progresser les cycles de désarmement et la confiance parmi les financiers du gouvernement, y compris le FMI et la Banque mondiale", a-t-il ajouté dans une note.
Le conflit avait débuté en novembre 2020, lorsqu'Abiy Ahmed avait envoyé l'armée fédérale au Tigré, accusant les autorités de la région qui contestaient son pouvoir depuis plusieurs mois d'y avoir attaqué des bases militaires fédérales.
Le bilan du conflit, marqué par de terribles exactions, est difficile à établir, mais les Etats-Unis estiment qu'il a fait environ 500.000 morts, soit plus que l'invasion russe de l'Ukraine.
Cette guerre a, aux yeux de Washington notamment, fait passer Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix en 2019 pour avoir mis fin à 20 ans de guerre ouverte ou larvée entre l'Ethiopie et l'Erythrée voisine, de symbole d'une nouvelle génération de dirigeants africains modernes à celui de quasi paria.
Le conflit a privé l'Ethiopie d'une partie de l'aide internationale dont elle dépend. Washington l'a notamment exclu des bénéfices de l'Agoa, mécanisme qui exempt certains pays africains de taxes à l'exportation vers les Etats-Unis.
Ces avancées vers la paix interviennent peu après la visite mi-mars à Addis Abeba du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, lors de laquelle il a mis la pression sur l'Ethiopie en liant la reprise d'un large partenariat économique avec Washington à "la réconciliation et l'établissement des responsabilités" dans les atrocités commises au Tigré.
A son retour d'Afrique, lundi, Antony Blinken a accusé tous les belligérants d'avoir commis des crimes de guerre, estimant que beaucoup d'entre eux n'étaient pas "dus au hasard" ou "une conséquence indirecte de la guerre", mais "calculés et délibérés".
Il a également accusé l'armée fédérale éthiopienne et ses alliées - armée érythréenne et forces et milices de la région de l'Amhara - de crimes contre l'humanité - dont des "meurtres, viols et d'autres formes de violences sexuelles et de persécution" - sans mettre en cause le TPLF à ce sujet.
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