Qatar
C'est un trio uni par une même histoire. Celle de jeunes africains déracinés par le conflit dans leur pays d'origine, le Soudan du Sud. Ils se sont construit un avenir à l'autre bout du monde, en Australie.
Awar Mabil, Thomas Deng et Garang Kuol vont disputer dans quelques heures la Coupe du monde de football au Qatar avec un premier match contre les champions du monde en titre français.
Milieu de terrain de Cadix, en Liga espagnole, Mabil, 27 ans, est celui qui sera certainement le moins impressionné par l'enjeu. L'aîné du trio n'avait pas tremblé le 13 juin dernier au moment de transformer le penalty qualifiant son pays d'accueil pour le Mondial, face au Pérou (0-0, 5-4 aux tab).
Son père est mort au cours de la seconde guerre civile au Soudan. Lui, a vu le jour dans un camp de réfugié à Kakuma, au nord du Kenya. Il n'avait que 11 ans quand sa famille obtient un visa de réfugié et change de continent, direction l'Australie.
Son coéquipier Thomas Deng est né il y a 25 ans à Nairobi, il a connu la même histoire avec son frère Peter qui lui a choisi de porter les couleurs du Soudan du Sud. Aujourd'hui, celui qui compte 2 capes avec l'Australie évolue au Japon à Albirex Niigata.
Enfin, Garang Kuol, 18 ans et une sélection, a vu le jouren Égypte et représente l'avenir des Soccerroos. Il a grandi dans les pas de son grand frère Alou Kuol, professionnel en Allemagne à Stuttgart.
Son ascension jusqu'au Mondial qatari a été rapide. Capable de jouer sur les ailes voire en position plus axiale, il s'est d'abord fait remarquer avec les Central Coast Mariners, un club australien basé à Gosford, en Nouvelle Galle du Sud.
En avril, il marquait dès son premier match en A-League, le championnat australien, pratiquement sur son premier ballon alors qu'il venait d'entrer en jeu. Un exploit qui a inspiré à son club le tweet suivant: "Retenez son nom !".
Six buts et trois passes décisives plus tard, les Mariners lui font signer son premier contrat professionnel en juin dernier.
Très vite, Kuol a fait ses débuts sous le maillot des "Socceroos", en manque de talents offensifs, en septembre lors d'un match de préparation contre la Nouvelle-Zélande. À 18 ans et 10 jours, il est devenu le plus jeune international australien depuis Harry Kewell en 1996 et il sera le plus jeune "Socceroo" de l'histoire dans un Mondial. Un détail qui d'ailleurs ne lui fait ni chaud ni froid: "une étiquette qui ne veut rien dire".
Magpie en janvier
Cinq jours plus tard, les Magpies de Newcastle lui faisaient signer un contrat, pour un montant qui n'a pas été dévoilé, et lui fera prendre la direction du nord de l'Angleterre une fois la Coupe du monde terminée.
Malgré son manque d'expérience, Kuol n'est pas intimidé par la perspective du Mondial ni par celle d'affronter le champion en titre d'entrée.
"La Coupe du monde, c'est la plus grande scène, c'est là que je veux faire mes preuves. C'est bien de voir ce qu'on peut faire contre des joueurs de ce calibre", assure le jeune homme.
Samedi, à l'entraînement, il a quand même été impressionné par "l'intensité": "c'était mortel ! Il faut que je m'habitue, les gars jouent vite, la balle file. On a essayé de reproduire ce que fera la France. C'était bien."
Kuol a profité de l'occasion pour rendre hommage à tous les gens qui lui ont permis d'être là : "Mon entraîneur chez les Mariners, mes parents, mes grands frères, ces deux-là aussi", a-t-il dit, montrant ses deux coéquipiers aux parcours similiaires, Awer Mabil et Thomas Deng.
Il a aussi envoyé un message d'espoir à tous ces "lost boys": "J'attache de l'importance au fait de pouvoir représenter différents héritages, d'être un modèle". "Je veux montrer aux enfants, en particulier à ceux du Soudan du Sud qui se trouvent dans le monde entier, qu'avec du travail on peut y arriver."
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