Tunisie
La justice tunisienne a suspendu mercredi la révocation d'une cinquantaine de magistrats, décidée début juin par le président Kais Saied et qualifiée d'"attaque à l'État de droit" par plusieurs ONG.
Le 1er juin, Kais Saied - qui s'est arrogé il y a un an l'ensemble des pouvoirs - avait révoqué 57 magistrats par décret présidentiel, les accusant de corruption et d'entrave à plusieurs enquêtes.
Au total 46 juges ont bénéficié de la suspension de leur révocation, a indiqué à l'AFP Imed Ghabri, porte-parole du tribunal administratif précisant que sept recours ont été rejetés, et deux autres sont en attente d'une décision. Deux magistrats n'avaient pas déposé de recours.
Cette décision va permettre aux 46 juges de reprendre leur fonction dès l'obtention d'une copie du verdict, selon l'avocat Kamel Ben Messoud. Sans attendre une éventuelle confirmation de leur révocation ou son annulation par le tribunal administratif, une procédure qui pourrait prendre des mois ou années, selon d'autres sources judiciaires.
Les magistrats, qui faisaient déjà l'objet de poursuites pénales, n'ont pas bénéficié de la décision de suspension, a indiqué Me Ben Messoud, membre du comité de défense des magistrats révoqués, à des médias locaux.
La révocation des 57 magistrats avait été dénoncée par plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, comme une "attaque directe contre l'État de droit" et avait entraîné plus d'un mois de grève très suivie des magistrats.
Depuis le 25 juillet 2021, assurant agir dans l'intérêt du pays qu'il jugeait ingouvernable, Kais Saied concentre tous les pouvoirs, faisant craindre une dérive autocratique dans le berceau du Printemps arabe.
Il a dissous en février le Conseil supérieur de la magistrature, remplacé par un CSM provisoire dont il a nommé les membres, avant de renforcer début juin par décret sa tutelle sur le système judiciaire en rendant possible la révocation sans appel des magistrats.
Dans la nouvelle Constitution qu'il a fait adopter par référendum ce 25 juillet, le président désigne les magistrats sur proposition du CSM dont c'était auparavant la prérogative.
Selon Said Benarbia, directeur régional de la Commission internationale des juristes (CIJ), le nouveau texte lui donne "davantage de pouvoirs que la Constitution de 1959", élaborée sous Habib Bourguiba, en supprimant la séparation des pouvoirs, avec "un pouvoir judiciaire subordonné à l'exécutif".
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