Tunisie
Situé dans le désert tunisien, l'oasis de Nefta a été épuisée par des décennies de gaspillage d'eau pour l'agriculture. Aujourd'hui, grâce à la cuisine nomade et des projets innovants, des pionniers autour d'un éco-hébergement tentent de faire revivre ce paradis d'antan.
"Dans une palmeraie tout pousse", le jardinier Mohamed Bougaa se souvient du paradis qu'était autrefois l'oasis de Nefta, qu'une poignée d'amoureux du sud tunisien tentent de revivifier avec la cuisine nomade et des projets innovants.
"Dans la corbeille de Nefta, il y avait 152 sources qui donnaient 700 litres d'eau par seconde", se rappelle M. Bougaa, 63 ans, dont 40 comme métayer à Nefta. Mais l'eau a été surexploitée pour créer d'autres palmeraies et produire la fameuse datte "deglet nour", "les sources de Nefta se sont taries il y a 20 ans", explique-t-il dans cette oasis à 500 km au sud de Tunis.
Normalement, "on peut vivre de la palmeraie, il y a tout ce qu'il faut: de la salade, des fruits, des petits piments, des tomates, des carottes. Tout pousse dès lors qu'on a du soleil et de l'eau", ajoute-t-il, en montrant une pompe alimentée désormais par la nappe phréatique.
L'arbre-roi, le palmier-dattier, peut satisfaire les besoins essentiels. Cette année, la récolte est médiocre: avec l'absence de pluies et 55 degrés en août, les dattes sont "un peu sèches", note Mohamed.
"Cuisine ancestrale"
Pourtant, la palmeraie c'est "la permaculture (système de production d'aliments organiques imitant la nature, ndlr) avant l'heure: une culture à trois étages, avec le palmier qui protège l'arbre fruitier, le fruitier qui protège le potager, c'est naturel dans une oasis", souligne Patrick Ali El Ouarghi, un Franco-Tunisien qui a créé, en 2011, une maison d'hôte écologique à Nefta.
Dar Hi est aussi un laboratoire d'idées, le "Palm Lab", où sont invités artistes, architectes et ingénieurs pour imaginer comment préserver "ce monde merveilleux" qu'est Nefta, haut lieu du soufisme. Il faut "redonner envie aux investisseurs, aux agriculteurs, de réinvestir l'oasis, qui est un peu en perdition", estime M. Ouarghi, 54 ans.
Avec ses associés, ce fan d'innovation y a "introduit de nouvelles techniques, comme l'irrigation goutte-à-goutte et l'énergie solaire". Il déplore le gâchis du système actuel d'inondation des parcelles avec de l'eau pompée à 100 mètres de profondeur.
Pour relancer Nefta, M. Ouarghi et ses amis ont également écrit un livre, "La cuisine de l'oasis - Se nourrir de l'essentiel", car "dans une oasis on n'a rien mais on ne manque de rien".
"C'est une cuisine ancestrale et simple qui date de l'arrivée des nomades", relate-il, quand Nefta était "un lieu de passage des caravanes" qui "déposaient des saveurs et épices inconnues, restées ici comme une tradition".
"L'une des particularités de Nefta c'est qu'on fabrique nos épices. Ce n'est pas la même chose que les acheter au marché: le nettoyage des feuilles, l'odeur, le goût, tu sais exactement comment faire", confirme Najah Ameur, la cheffe cuisinière de Dar Hi.
Poudre de datte
Kevin Klay, ex-coopérant américain à Sousse (nord), est tombé amoureux des dattes et du Sud. "On a réalisé que 20 à 30% des dattes sont jetées ou données comme nourriture aux chameaux, juste parce qu'elles n'ont pas un bel aspect", dit-il.
Il a acheté quelques kilos, les a fait sécher chez lui puis les a broyées dans une machine à moudre le café. Résultat: une poudre "cinq fois moins calorique" que le sucre blanc et "bien plus saine", contenant "plus de potassium qu'une banane".
M. Klay, 35 ans, a lancé sa fabrique Dateible en 2018. Elle emploie une dizaine de personnes. Sa société reçoit, dit-il, "une forte demande des Etats-Unis où elle exporte en gros, et a lancé la vente au détail, prévoyant cet été une présence dans les supermarchés (bios) +Whole Foods+ et de se développer en Europe". Et puisque rien ne se perd dans la palmeraie, d'autres idées ont germé dans les oasis pour recycler les dattes: du café au noyau de datte ou de la mélasse pour pâtisserie.
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