Cameroun
Trois élèves et une enseignante ont été tués mercredi dans l'attaque d'un lycée du Sud-Ouest au Cameroun, l'une des deux régions anglophones du pays en proie à un conflit meurtrier entre l'armée et des séparatistes
Le lycée bilingue d'Ekondo Titi a été "le théâtre d'attaques meurtrières par des individus non identifiés", a rapporté la CRTV, la chaîne publique d'informations en continu. "Trois élèves ont été tués par balles. Une enseignante, blessée, est aussi morte sur le chemin de l'hôpital", a confirmé Roger Kaffo Fokou, secrétaire général du syndicat national autonome de l’enseignement secondaire (SNAES).
"Le drame a également fait plusieurs blessés qui sont actuellement suivis dans les formations hospitalières" , ajoute la CRTV. "Les forces de défense et de sécurité mènent actuellement une battue pour retrouver les assaillants", selon la chaîne d'informations.
Groupes armés séparatistes
"Des gens armés sont arrivés à l'école. Ils ont ouvert le feu et lancé des explosifs dans des salles de classe", avance la responsable d'une ONG. Dans les deux régions Sud-Ouest et Nord-Ouest, où vit l'essentiel de la minorité anglophone d'un pays majoritairement francophone, un conflit sanglant oppose depuis 2017 les groupes armés séparatistes et les forces de sécurité.
L'attaque de mercredi n'a pas été revendiquée mais les séparatistes armés attaquent régulièrement des écoles auxquelles ils reprochent d'enseigner en français, et tuent des fonctionnaires, dont des enseignants, qu'ils accusent de "collaborer" avec Yaoundé. Ou bien enlèvent des élèves qu'ils libèrent par la suite.
"Cette attaque est un nouveau rappel du bilan épouvantable pour les étudiants de la crise en zone anglophone", soutient Ilaria Allegrozzi, chercheuse au sein de l’ONG HRW pour le Cameroun. "Les autorités doivent ouvrir une enquête indépendante, efficace et impartiale sur cette attaque et demander des comptes aux responsables." Et de poursuivre : "Ces attaques, la peur qui en résulte et la détérioration de la situation sécuritaire ont provoqué la fermeture d'écoles dans les régions anglophones, et empêchent les élèves d'accéder à l'éducation".
Tribunal militaire
En novembre 2019, l'UNICEF évoquait plus de 855 000 enfants non scolarisés dans les régions anglophones et 90% des écoles primaires publiques fermées ou non opérationnelles. En octobre 2020, une dizaine d'hommes armés à moto avait pris d'assaut une école bilingue à Kumba, dans la région du Sud-Ouest, et ouvert le feu sur des élèves, tuant sept enfants âgés de 9 à 12 ans. Une douzaine d'autres avaient été blessés par balle ou à coup de machette.
En septembre, un tribunal militaire avait condamné à mort quatre accusés dans ce que HRW avait appelé un "simulacre de procès", "marqué par des vices de procédure", notamment "le recours à un tribunal militaire pour juger des civils" qui "viole le droit international".
Meurtres de civils
Le 15 octobre dernier, un gendarme a tué une écolière de 5 ans à Buea, dans la région du Sud-Ouest anglophone, avant d'être lynché à mort. Des centaines de personnes avaient alors manifesté leur colère en portant la dépouille de l'enfant, les autorités appelant la population au calme. Le 10 novembre, 11 étudiants avaient été blessés par un engin explosif dans l'université de Buea, chef-lieu de la région du Sud-Ouest.
Les combats au Cameroun anglophone, mais aussi les exactions et meurtres de civils par les deux camps, selon de nombreuses ONG, ont fait plus de 3 500 morts et forcé plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile depuis 2017.
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