République démocratique du Congo
La République démocratique du Congo (RDC) a un nouveau gouvernement. Ce lundi le président Félix Tshisekedi a tourné la page de la coalition avec son prédécesseur Joseph Kabila en nommant un nouvel exécutif.
Moins pléthorique, un peu plus féminin, plus jeune, le nouvel exécutif de "l'Union sacrée de la nation" compte 56 membres dont 14 femmes, d'après l'ordonnance présidentielle lue à la télévision d’État (RTNC) par le porte-parole du président, Kasongo Mwema. Le Premier ministre Sama Lukonde a détaillé les priorités de son gouvernement lors d’une conférence de presse."Une fois que le gouvernement sera installé, nous allons revenir sur les axes prioritaires qui nous avaient été fixés par le président de la République, son Excellence Felix Antoine Tshisekedi, notamment la paix et la sécurité particulièrement à l’est de la RDC."
Ce nouveau gouvernement doit désormais relever des défis herculéens, à la mesure du plus grand pays d'Afrique sub-saharienne, et l'un des plus instables aussi : massacres quotidiens de civils dans l'Est, lutte contre la corruption, recettes fiscales dérisoires pour des besoins immenses pour l'instant largement assumés par les "partenaires" et "bailleurs" de la RDC. "Il faut des réformes dans le domaine fiscal. Il va surtout falloir que nous puissions les mener pour avoir suffisamment de moyens pour maintenir le processus et le cycle électoral parce que là aussi c’est une priorité pour le gouvernement de l’Union Sacrée de la Nation", a annoncé le nouveau Premier ministre.
Acte II du quinquennat Tshisekedi
Présenté après des semaines de tractations, ce nouvel exécutif signe l’Acte II du quinquennat du camp Tshisekedi. Depuis le lancement d'une offensive politique le 6 décembre contre son ex-allié, le président et ses partisans ont finalement réussi à renverser la majorité de Joseph Kabila dans les deux chambres.
Des proches des anciens opposants Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba occupent des postes stratégiques. C'est le cas d'Eve Bazaïba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, qui est nommée ministre de l'Environnement avec rang de vice-Premier ministre. Lors des prochains sommets contre le réchauffement climatique, elle aura la charge de monnayer le rôle de la RDC, qui abrite une bonne moitié de la forêt du bassin du Congo.
C'est également un membre du MLC qui prend le ministère de la Santé, Jean-Jacques Mbungani. Un poste important dans un pays traversé par de multiples épidémies (Covid-19, tuberculose, malaria, etc. Christophe Lutundula, un partisan de Moise Katumbi, a été nommé au ministère des Affaires étrangères. Christian Mwando, un autre lieutenant de l'ancien gouverneur du Katanga, a pris le ministère du Plan.
Le président resserre son emprise sur l'appareil sécuritaire : le ministre de la Défense est un général-médecin à la retraite, Gilbert Kabanda, proche du président, et celui de l'Intérieur est Daniel Aselo Okito, secrétaire général adjoint de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel. Les ministères des Finances et de l'Enseignement sont également confiés aux partisans du chef de l’État.
Le parti de Vital Kamerhe, ex-directeur de cabinet du chef de l’État condamné à 20 ans de prison dans une affaire de corruption, conserve l'important ministère du Budget et celui des Affaires foncières. Des transfuges de la "Kabilie" - le nom donné aux proches de Joseph Kabila - sont récompensés. Leur chef de file Jean-Pierre Lihau est désigné ministre de la Fonction publique avec rang de vice-Premier ministre.
Mains libres
Fils de l'opposant historique Étienne Tshisekedi, Félix Thisekedi a été proclamé vainqueur de la présidentielle controversée de décembre 2018. Investi le 24 janvier 2019, l'ancien opposant a dirigé le pays jusqu'en novembre dernier en coalition avec le camp de son prédécesseur Joseph Kabila qui avait gardé la majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Le 6 décembre, le chef de l’État a mis fin à cette coalition et s'est lancé dans une conquête de tous les leviers du pouvoir sur fond de menace de la dissolution du Parlement. Tous les proches de l'ancien président Kabila ont alors été écartés successivement de la tête des institutions politiques et judiciaires du pays. Une bonne partie de la classe politique a quitté Joseph Kabila pour faire allégeance à Félix Tshisekedi.
Soutenu par les Américains et l'Union européenne, Félix Tshisekedi, 57 ans, a désormais les mains libres pour appliquer son programme : lutter contre la corruption et la misère qui touche les 2/3 de la population, et ramener la paix dans l'Est du pays, ensanglanté par les violences des groupes armés. La RDC est déstabilisée dans sa partie orientale depuis près de trois décennies. Une centaine de groupes armés y sont actifs, dont les Forces démocratiques alliées (ADF), groupe armé musulman d'origine ougandaise, ayant fait souche dans la région de Béni et aujourd'hui particulièrement meurtrier.
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