Nigéria
La maison de vente aux enchères Christie’s a refusé de suspendre la vente de deux statuettes sacrées nigérianes. La commission nationale du pays estime que ces objets d’art ont été acquis illégalement pendant la guerre civile du Biafra.
Les protestations n’auront rien changé. Lundi 29 juin, Christie’s a officiellement rejeté la requête de la commission nationale nigériane pour les musées et les monuments. L’entreprise du groupe Artémis a déclaré que « tous les objets dans cette vente répondent pleinement à tous les cadres légaux applicables ».
Inclus dans la vente intitulée « Arts d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique du nord », le lot présentait deux statuettes sacrées, représentant la divinité Alusi issue de la tribu d’Igbo au Nigéria. Elles auraient été vendues illégalement pendant la guerre du Biafra, qui s’est déroulée de 1967 à 1970.
Une vente controversée à plus de 200 000 euros
De nombreux universitaires ainsi que les autorités du patrimoine nigérian ont contesté cette vente. 3300 personnes ont signé une pétition en ligne demandant à Christie’s de suspendre les enchères. Parmi eux, le professeur nigérian reconnu Chika Okeke-Agulu, issu de l’ethnie Igbo, s’est exprimé à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux en utilisant le hashtag #BlackArtMatter.
Enseignant en théorie de l’art indigène, moderne et contemporain africain à l’université de Princeton aux Etats-Unis, il dénonçait déjà en 2017, dans les pages du New York Times les pillages généralisés des œuvres d’art de l’est du Nigeria durant cette même période de guerre du Biafra.
Voir cette publication sur Instagram In a 2017 op-ed article in the New York Times, I wrote about widespread looting of art from Eastern Nigeria during the Biafran War (1967-70), and that my mother still mourns the overnight disappearance of countless alusi (sacred sculptures) from communal shrines in my hometown, Umuoji, in Anambra State. These art raids from all indications were sponsored by dealers and their client collectors mostly based in Europe and the US. It turns out that later this month the venerable Christie’s will auction two of these impressive alusi (seen here) said to have been acquired in 1968-69 in situ by Jacques Kerchache (1942-2001). That is, Mr. Kerchache acquired these sculptures in the Nri-Awka area (a half-hour drive from my hometown) during the darkest years of the Biafran War. Dear Christie’s, let’s be clear about the provenance of these sculptures you want to sell. While between 500,000 and three million civilians, including babies like me, were dying of kwashiorkor and starvation inside Biafra; and while young French doctors were in the war zone establishing what we now know as Doctors Without Borders, their compatriot, Mr. Kerchache, went there to buy up my people’s cultural heritage, including the two sculptures you are now offering for sale. I write this so no one, including Christie’s and any potential buyer of these loots from Biafra can claim ignorance of their true provenance. These artworks are stained with the blood of Biafra’s children. #christies #warloots #biafranwar
Une publication partagée par Chika Okeke-Agulu (@chikaokekeagulu) le 5 Juin 2020 à 10 :04 PDT
Malgré ces objections, la maison du groupe Artémis n’a pas hésité à poursuivre cette vente aux enchères dans le showroom parisien de Christie’s. Les deux statuettes faisaient partie de la collection privée de Jacques Kerchache, ancien conseiller de Jacques Chirac sur les arts premiers, mort en 2001.
Estimés entre 250 000 et 350 000 euros (soit 283 000 et 396 000$), ces objets d’art issus de l’héritage culturel nigérian, ont finalement été cédés à 212 000 euros (239 000 $) après déduction des frais.
Les limites de la convention de l’UNESCO
La commission nationale nigériane revendique la violation de la convention de l’UNESCO datant de 1954. Ce texte protège l’héritage culturel pendant les conflits armés.
Cette affaire arrive en plein débat sur la restitution des œuvres d’art africain qui se trouvent dans des collections publiques et privées en Europe notamment. Au moins 90 000 objets africains sont toujours en France, 70 000 d’entre eux sont gardés au musée du quai Branly – Jacques Chirac, une collection que Jacques Kerchache lui-même avait d’ailleurs contribué à étoffer.
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