République démocratique du Congo
Le roi des Belges a présenté mardi “ses plus profonds regrets pour les blessures” infligées lors de la période coloniale à l’ex-Congo belge, une première historique dans le sillage de la vague d‘émotion mondiale après la mort de George Floyd aux Etats-Unis.
Faute de cérémonie à Kinshasa, capitale de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), rendue impossible par la pandémie de coronavirus, le roi Philippe de Belgique a adressé une lettre au président de la RDC, Félix Tshisekedi à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance de son pays le 30 juin 1960.
Dans ce courrier communiqué à la presse, il évoque – sans nommer son ancêtre – l‘époque de Léopold II, qui a été jugée la plus brutale par les historiens, quand le défunt roi gérait le Congo et ses richesses comme son bien privé depuis Bruxelles.
“A l‘époque de l‘État indépendant du Congo (de 1885 à 1908 quand Léopold II céda le territoire à l’Etat belge, ndlr) des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective”, écrit Philippe, qui règne depuis 2013.
“La période coloniale qui a suivi (jusqu’en 1960) a également causé des souffrances et des humiliations. Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés”, poursuit-il.
Le quotidien Le Soir a salué un “geste fort et historique” du souverain.
Après ces “regrets” viendront “peut-être des excuses” comme le réclame une part croissante de l’opinion et du monde politique, a souligné La Libre Belgique.
De son côté, la Première ministre Sophie Wilmès a souhaité un débat “sans tabou, avec sincérité et sévérité” sur cette “histoire partagée” entre Belges et Congolais. A l’occasion d’une cérémonie à Bruxelles, elle a rappelé qu’une commission parlementaire devait s’y atteler prochainement, associant experts belges et africains, une première en Belgique.
“Comme pour d’autres pays européens, l’heure est venue pour la Belgique d’entamer un parcours de recherche, de vérité, de mémoire” et de “reconnaître la souffrance de l’autre”, a affirmé la dirigeante libérale francophone, en écho à la lettre du roi évoquant l’objectif d’une mémoire enfin “définitivement pacifiée”.
Statues vandalisées
En 2000-2001, une commission d’enquête parlementaire s‘était penchée sur le contexte de l’assassinat en janvier 1961 de Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre du Congo. Elle avait conclu à la “responsabilité morale” de “certains ministres et autres acteurs” belges.
Outre le Congo, l’empire colonial belge comprenait également en Afrique le Ruanda-Urundi, territoire qui deviendra le Rwanda et le Burundi après son indépendance en 1962.
La mort de l’Afro-Américain George Floyd, asphyxié fin mai par un policier blanc à Minneapolis aux Etats-Unis, a ravivé en Belgique le débat sur les violences de la période coloniale au Congo et sur la personnalité très controversée de Léopold II qui régna de 1865 à 1909.
De nombreuses statues représentant l’ancien souverain à la longue barbe ont été vandalisées à travers le pays, souvent recouvertes de peinture rouge symbolisant le sang versé par les Congolais.
Certaines universités et municipalités ont également décidé de retirer statues ou bustes. Cela doit être le cas mardi après-midi dans un parc public à Gand.
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Dans une pétition ayant recueilli plus de 80.000 signatures, le collectif “Réparons l’Histoire” a réclamé que “toutes les statues” en hommage à Léopold II soient retirées à Bruxelles, notamment la statue équestre érigée face au palais royal.
Le texte de cette pétition, un des éléments déclencheurs de la mobilisation désormais relayée par des élus belges, accuse Léopold II d’avoir “tué plus de 10 millions de Congolais”, un nombre contesté par les historiens qui évaluent la “décroissance démographique” (morts, famines, maladies…) entre 1 et 5 millions.
Via des sociétés concessionnaires, Léopold II a recouru au travail forcé pour extraire notamment le caoutchouc au Congo. Des exactions – jusqu’aux mains coupées pour les travailleurs insuffisamment productifs – ont été documentées.
“On a mis en évidence les fameux ‘bienfaits de la civilisation’ apportés par les Belges, mais entre les routes, les hôpitaux, les écoles, on sait que tout ce qui a été construit visait essentiellement à servir ce système d’extraction et de production de richesses pour les colons”, a fait valoir à l’AFP Romain Landmeters, chercheur à l’université Saint-Louis à Bruxelles.
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