Afrique du Sud
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a intégré sept partis différents à son cabinet dans le cadre d'un accord de partage du pouvoir sans précédent dans le pays le plus industrialisé du continent, après que le Congrès national africain (ANC) a perdu sa majorité parlementaire lors d'un résultat électoral marquant à la fin du mois de mai.
L'annonce du nouveau cabinet par M. Ramaphosa dimanche soir fait entrer l'Afrique du Sud dans un territoire politique inconnu après 30 ans de domination de l'ANC, qui a libéré le pays du joug de la minorité blanche de l'apartheid en 1994 et l'a gouverné depuis lors.
Le nouveau cabinet multipartite est l'aboutissement d'un mois de négociations tendues et parfois acrimonieuses entre l'ANC de M. Ramaphosa et l'Alliance démocratique, l'ancien principal parti d'opposition dirigé par les Blancs, qui a désormais accepté de partager le pouvoir avec l'ANC.
Bien que la coalition soit composée de 11 partis, dont sept occupent des postes ministériels, l'accord repose en grande partie sur le fait que l'ANC et la DA - les deux plus grands partis - mettent de côté leurs différences idéologiques et plus de 20 ans d'hostilité politique pour travailler ensemble.
Voici la composition de la nouvelle coalition, qui doit relever le défi de résoudre les profonds problèmes socio-économiques de l'Afrique du Sud.
L'ANC conserve la plupart des postes ministériels
M. Ramaphosa a reconduit Paul Mashatile, de l'ANC, dans ses fonctions de vice-président et a également maintenu les responsables de l'ANC à la tête des ministères clés des Finances, du Commerce et de l'Industrie, des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice. L'ANC, qui a remporté la plus grande part des voix lors des élections avec 40%, détient 20 des 32 postes ministériels.
Le maintien du ministère des Affaires étrangères sous la direction de l'ANC devrait également signifier la poursuite de la position ouvertement pro-palestinienne et anti-israélienne de l'Afrique du Sud. L'ANC est la force motrice de l'affaire très sensible portée par l'Afrique du Sud devant la plus haute juridiction des Nations unies, qui accuse Israël de génocide à Gaza. L'Afrique du Sud est également appelée à jouer un rôle important dans les affaires étrangères lorsqu'elle prendra la présidence du Groupe des 20 nations développées et en développement l'année prochaine.
Concessions à la DA
M. Ramaphosa a accordé à la DA six postes ministériels, dont celui de ministre de l’Agriculture, occupé par son chef John Steenhuisen. Alors que la DA avait fait pression pour obtenir le portefeuille du Commerce et de l'Industrie en tant que deuxième parti le plus important, elle s'est vu attribuer des postes de vice-ministre du Commerce et de l'Industrie et des Finances, et ces domaines pourraient constituer les tests les plus sévères pour déterminer si l'ANC et la DA peuvent travailler ensemble.
L'ANC, parti de gauche, et la DA, parti centriste, sont en désaccord sur de nombreuses politiques économiques, notamment sur le programme phare de l'ANC, la Black Economic Empowerment (émancipation économique des Noirs), qui vise à améliorer les chances des Noirs dans le monde des affaires. L'ANC soutient que ce programme est nécessaire pour réparer les erreurs de l'apartheid, mais la DA a déclaré qu'elle souhaitait supprimer cette politique et la remplacer par une autre dans laquelle la race n'est pas un facteur décisif.
Connotations raciales
La coalition est confrontée à des défis plus larges concernant la race avec l'ANC, le parti qui a libéré l'Afrique du Sud de la domination de la minorité blanche, et la DA, considérée par certains comme centrée sur les intérêts de la minorité blanche du pays, qui représente 7% de la population de 62 millions d'habitants.
La DA a fermement démenti cette caractérisation et bénéficie du soutien de nombreux Sud-Africains noirs, mais la question raciale reste brûlante en raison de l'histoire de l'Afrique du Sud, marquée par une ségrégation raciale brutale sous un gouvernement de la minorité blanche.
M. Ramaphosa a également nommé le chef du parti Freedom Front Plus au sein de son nouveau cabinet. Ce parti est issu d'anciens partis de droite représentant les intérêts des Blancs et, bien qu'il ait considérablement assoupli sa position, ce sera un autre test pour savoir si l'Afrique du Sud peut mettre la race de côté dans le gouvernement le plus diversifié sur le plan politique qu'elle ait jamais eu.
Les troisième et quatrième plus grands partis d'Afrique du Sud ont refusé de rejoindre la coalition simplement en raison de l'inclusion de la DA et du Freedom Front Plus, dirigés par les Blancs.
Des défis de taille
MM. Ramaphosa et Steenhuisen se sont engagés à travailler ensemble et la DA a soutenu M. Ramaphosa pour un second mandat lors d'un vote au Parlement le mois dernier, ce qui constitue une première étape importante de leur nouveau partenariat. Mais la coalition gouvernementale est confrontée à des défis de taille. Si l'Afrique du Sud se positionne comme une voix de premier plan pour son continent et pour l'ensemble du monde en développement, cette position est minée par ses problèmes.
L'Afrique du Sud connaît des taux d'inégalité et de chômage parmi les plus élevés au monde, qui s'élèvent officiellement à 32% pour l'ensemble de la population et à un taux vertigineux de 45% pour les jeunes âgés de 15 à 34 ans. Le pays connaît également un taux de criminalité violente désespérément élevé et des services publics défaillants, comme en témoignent les pannes d'électricité qui ont atteint un niveau record en 2023.
Autant de raisons pour lesquelles les électeurs sud-africains se sont détournés de l'ANC lors des élections du 29 mai.
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