Niger
Les pays ouest-africains opposés au coup d'État au Niger ont rejeté l'idée d'une transition de trois ans maximum lancée ce week-end par les militaires qui ont pris le pouvoir, signe qu'une sortie de crise par la voie diplomatique semble encore lointaine.
"Une période de transition de trois ans est une plaisanterie. La CEDEAO (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) ne l'acceptera jamais", a affirmé Abdel-Fatau Musah, commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'organisation régionale.
"Nous voulons que l'ordre constitutionnel soit restauré le plus rapidement possible", a-t-il ajouté dans une interview à Al-Jazeera, réaffirmant la position inflexible de la CEDEAO depuis le coup d'État du 26 juillet.
Selon lui, la période de transition doit être "très courte". "Nous ne parlons même pas d'un an. Elle devra être beaucoup plus courte que ça", a-t-il indiqué, rappelant que l'option d'une "action militaire" n'était "pas écartée".
Samedi soir, au moment où une délégation de la CEDEAO était à Niamey pour trouver une solution pacifique à la crise, le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani, avait annoncé envisager une transition de "trois ans" maximum, avant de rendre le pouvoir aux civils.
Une idée inenvisageable pour la CEDEAO qui martèle depuis le coup d'État que le président renversé Mohamed Bazoum doit être libéré et réinstallé au pouvoir. Et si l'organisation ouest-africaine explore la voie diplomatique pour atteindre cet objectif, elle agite toujours la menace de l'usage de la force.
Vendredi, après une réunion de ses chefs d'état-major à Accra, M. Musah avait indiqué que "le jour de l'intervention" était fixé tout comme "les objectifs stratégiques, l'équipement nécessaire et l'engagement des États membres".
"Si une agression devait être entreprise contre nous, elle ne serait pas la promenade de santé à laquelle certains croient", a répondu le général Tiani.
Les positions des deux camps semblent donc crispées, malgré la médiation du week-end qui a permis aux émissaires de la CEDEAO de s'entretenir avec le général Tiani, puis le président déchu Mohamed Bazoum.
Le nouveau régime peut toutefois compter sur le soutien de certains pays ouest-africains comme le Mali ou le Burkina Faso, dirigés eux aussi par des militaires et suspendus par la CEDEAO, qui ont rapidement affiché leur solidarité avec Niamey.
Quelque 300 camions chargés de produits alimentaires sont arrivés lundi dans la capitale nigérienne, en provenance du Burkina voisin, à l'heure où le Niger souffre de lourdes sanctions économiques imposées par la CEDEAO depuis le coup d'État.
Dimanche, des manifestations de soutien aux militaires ont eu lieu dans la capitale Niamey et dans la grande ville du nord, Agadez. Comme souvent lors de ces mouvements de soutien, des slogans hostiles à la CEDEAO et aux puissances occidentales - en particulier la France - ont été scandés.
À Agadez, plusieurs centaines de manifestants ont "demandé le départ de toutes les bases militaires étrangères", notamment la base américaine installée à l'aéroport de la ville. La France et les Etats-Unis déploient respectivement 1 500 et 1 100 soldats au Niger pour la lutte anti-djihadiste dans ce pays sahélien régulièrement endeuillé par des attaques de groupes armés liés à l'État islamique et Al-Qaïda.
Ces violences n'ont pas cessé avec le coup d’État : plusieurs attaques ont eu lieu depuis le 26 juillet, notamment dans l'ouest du Niger proche du Burkina Faso et du Mali, également confrontés aux mêmes groupes armés.
Mardi dernier, au moins 17 soldats ont été tués dans une attaque près du Burkina Faso, la plus meurtrière depuis le coup d'État. Lundi, l'UNICEF s'est alarmé de la situation humanitaire au Niger, estimant que plus deux millions d'enfants avaient "besoin d'aide", un chiffre aggravé par la crise en cours.
De son côté, le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Leonardo Santos Simão, a demandé au régime militaire de "prendre les mesures nécessaires pour faciliter l’acheminement et l’accès de l’assistance humanitaire fournie" par les Nations unies et "les autres agences humanitaires aux populations vulnérables au Niger".
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