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Zimbabwe : listes électorales fantaisistes, soupçons de triche

Zimbabwe : listes électorales fantaisistes, soupçons de triche
Les partisans du président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa célèbrent à Harare, le 24 août 2018   -  
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Zimbabwe

Le jour du vote au Zimbabwe, Tendai et son épouse déposeront leur bulletin chacun de leur côté : ils sont inscrits dans des bureaux différents, l'une des nombreuses anomalies repérées récemment dans les listes électorales qui font craindre des scrutins présidentiel et législatif biaisés le 23 août.

"J'irai d'un côté, elle de l'autre. C'est la nouvelle norme anormale", plaisante auprès de l'AFP ce militant de l'opposition qui préfère conserver son anonymat.

Le pays enclavé d'Afrique australe s'apprête à élire son président et ses députés dans un contexte qui s'annonce tendu, entre répression de l'opposition et exaspération croissante autour de l’hyperinflation, de la pauvreté et du chômage.

Les soupçons d'irrégularités électorales sont fréquents dans ce pays dirigé par le même parti depuis son indépendance en 1980 et qui a connu nombre de scrutins contestés.

Selon les militants de l'association Team Pachedu, l'analyse des listes électorales suggère que ces craintes sont fondées. "Nous avons découvert de nombreuses irrégularités", dit son porte-parole Tafadzwa Sambiri. "La principale concerne le recyclage des cartes d'identité".

La Commission électorale du Zimbabwe (ZEC), sollicitée par l'AFP, n'a pas donné suite.

Les Zimbabwéens conservent le même numéro d'identité toute leur vie. Pourtant, Team Pachedu a constaté que des milliers de numéros d'identité sur les listes de 2013 sont liés à un nom... différent en 2023.

Dans certains cas, le nom reste le même mais la date de naissance diffère, ce qui fait craindre aux plus sceptiques que ces personnes n'existent pas.

L'association a constaté que certains étaient morts, d'autres inscrits deux fois. Ou encore que 183 électeurs étaient domiciliés dans la même maison d'une banlieue de Harare, la capitale.

Des milliers d'électeurs comme Tendai ont découvert récemment - souvent parce qu'inquiets, ils ont pris la peine de vérifier - que leur bureau de vote avait changé, sans la moindre notification.

"Je dois maintenant prévoir de prendre un taxi pour me rendre à 3 km de chez moi. C'est cher et pas pratique", explique à l'AFP une femme qui vit à Harare et préfère aussi rester anonyme.

Ces problèmes ont émergé en mai, quand les autorités ont rendu publiques les listes électorales. Beaucoup n'ont pas retrouvé leur nom dans leur bureau habituel.

Parmi eux, l'ancien ministre de l'Education David Coltart, 65 ans, figure de l'opposition. Après avoir passé une journée à passer des coups de fil, puis visité son bureau local de commission électorale où "des centaines" comme lui cherchaient "dans un fouillis indescriptible", il a fini par trouver son nom dans un bureau... à quelques kilomètres de chez lui.

Le jour du vote, certains pourraient soudain se rendre compte qu'ils ne sont pas au bon endroit. "C'est un problème majeur, surtout dans les zones rurales où les gens n'ont pas accès à l'internet et ne disposent pas de moyens de transport décents", souligne M. Coltart.

Dans certains cas, les électeurs des bastions du ZANU-PF au pouvoir semblent avoir été déplacés en masse vers des zones favorables à l'opposition, selon Team Pachedu. L'opposition craint que cette accumulation d'anomalies lui soit fatale.

Le scrutin oppose notamment le président sortant Emmerson Mnangagwa, 80 ans, au leader de l'opposition Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans surnommé "le jeune homme".

Le président avait remporté l'élection de 2018 de peu, avec 50,8% des voix. Chamisa, déjà son rival, avait contesté le scrutin avant d'être débouté en justice.

La semaine dernière, Human Rights Watch a dénoncé un "processus électoral gravement défectueux", ne permettant pas la tenue d'un scrutin "crédible, libre et équitable".

Ce rapport pointe aussi l'"absence d'impartialité" de la commission électorale, l'adoption récente de lois répressives, et le recours à l'intimidation, à la violence et aux tribunaux pour étouffer l'opposition.

David Coltart veut croire que la coalition de partis d'opposition (CCC) dispose d'un soutien assez solide pour surmonter ces obstacles et remporter la victoire.

"Il ne fait aucun doute que le ZANU-PF et (le président) Mnangagwa ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher Chamisa et le CCC de gagner", a-t-il déclaré à l'AFP. "Mais cela sera-t-il suffisant ?"

Des observateurs étrangers, notamment au sein de missions de l'UE et de l'UA, ont été invités à surveiller le scrutin. Mnangagwa a promis des élections "libres et équitables".

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