Egypte
La "ruée sur le gaz" des puissances occidentales plongées en pleine crise de l'énergie représente une fausse promesse de développement de l'Afrique, s'inquiètent des militants et experts à la COP27, qui voient l'avenir du côté des renouvelables.
L'invasion russe de l'Ukraine a déclenché une tempête sur les marchés de l'énergie et poussé les pays du Nord, particulièrement l'Europe, à s'assurer à tout prix des approvisionnements stratégiques pour leur économie.
Les Européens lorgnent donc vers les pays africains, qui entendent, pour certains, profiter de cette nouvelle course.
Le Sénégal ou la République démocratique du Congo (RDC) ont par exemple récemment découvert des ressources pétrolières et gazières nourrissant des espoirs de richesse. Le Mozambique tente de développer un projet géant de gaz naturel liquéfié (GNL), retardé pour des raisons de sécurité.
"L'Europe veut faire de l'Afrique sa station-service", déplore Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa, qui s'inquiète de ces perspectives, comme de nombreux militants africains à la COP sur le climat, qui se tient cette année sur ce continent, dans la ville égyptienne de Charm el-Cheikh.
"Mais nous n'avons pas besoin de suivre l'exemple des pays riches qui ont en réalité causé le changement climatique", plaide-t-il.
Pour l'ONG Climate Action Tracker, la course mondiale au gaz représente une "menace sérieuse" pour les objectifs de l'Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique bien en-deçà de 2°C et si possible à +1,5°C d'ici l'an 2100 par rapport à l'ère préindustrielle.
En Afrique, les projets font aussi peser des risques sur de précieux écosystèmes, par exemple dans le bassin du Congo.
Mais certains dirigeants africains n'entendent pas renoncer à une manne potentielle. "Nous sommes pour une transition verte juste et équitable en lieu et place de décisions qui portent préjudice à notre processus de développement", a lancé à la tribune de la COP27 Macky Sall, président du Sénégal, dont les réserves sont convoitées par une Allemagne qui peine à se sevrer du gaz russe.
"Nous avons 600 millions de personnes en Afrique qui n'ont pas du tout accès à l'électricité. Plus de 900 millions n'ont pas accès à des énergies modernes pour cuisiner ou se chauffer", rappelle Omar Farouk Ibrahim, secrétaire général de l'Organisation des producteurs de pétrole africains (APPO).
Une augmentation marginale des émissions de l'Afrique - qui n'a presque pas contribué au changement climatique - "ferait une différence fondamentale pour la vie ou la mort des gens en Afrique", plaide le Nigérian.
"L'histoire montre que l'extraction dans les pays africains ne s'est pas traduite en développement" ou "en accès à l'énergie pour les gens", rétorque Thuli Makama, de Oil Change International.
La soif occidentale causée par la guerre en Ukraine sera "de très court terme" et les pays africains qui auront investi dans de nouvelles capacités resteront avec "des actifs échoués, des frais de dépollution et toute la dévastation qui accompagne cette industrie", juge l'avocate et militante d'Eswatini.
Cette notion d'actifs "échoués" renvoie à des produits qui perdent toute valeur. Certains économistes estiment ainsi que les hydrocarbures vont être rapidement marginalisées par des énergies propres, conduisant à leur dévaluation.
Un danger pointé par un rapport de Carbon Tracker publié lundi. Les cours des fossiles vont finir par baisser et les investissements occidentaux s'évaporer, écrivent les auteurs, enjoignant plutôt aux pays africains de parier sur le solaire.
"Pour nous aider à nous attaquer au défi de notre pauvreté énergétique, nous devons exploiter le potentiel incroyable dans les énergies renouvelables qui existe en Afrique", propose ainsi Mohamed Adow.
Le continent pourrait ainsi suivre un chemin de développement différent de celui de l'Occident et "sauter" l'étape des fossiles, comme il est passé directement à la téléphonie mobile. L'Afrique peut devenir "un leader vert", estime l'expert et activiste kényan.
La marge de progression est immense : l'Afrique n'a en effet capté que 0,6% des investissements pour les renouvelables dans le monde l'an dernier, selon une étude de BloombergNEF (BNEF), mais elle possède un potentiel énorme, notamment pour le solaire.
Selon Carbon Tracker, le continent pourrait bondir de 14 gigawatts de capacités solaires à plus de 400 GW d'ici à 2050, avec des coûts qui vont continuer de chuter.
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