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Présidentielle au Kenya : la Cour Suprême de nouveau juge et arbitre

Présidentielle au Kenya : la Cour Suprême de nouveau juge et arbitre
La cheffe juge Martha Koome entourée des juges Philomena Mwilu, Smokin Wanjala, Isaac Lenaola, Mohamed Ibrahim, Njoki Ndungu et William Ouko   -  
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Kenya

Réputée pour son indépendance, la Cour Suprême du Kenya est de nouveau appelée à trancher un litige lié à une élection présidentielle, après avoir été officiellement saisie lundi par le camp de Raila Odinga.

La plus haute juridiction du pays, qui avait annulé la dernière présidentielle de 2017, doit désormais se prononcer dans les 14 jours. Figure historique de l'opposition soutenue cette année par le président sortant Uhuru Kenyatta, Raila Odinga a qualifié de "parodie" les résultats de l'élection du 9 août, qui ont donné vainqueur le vice-président sortant William Ruto, avec environ 233 000 voix d'avance sur lui.

Fruit de la Constitution de 2010, considérée comme l'une des plus progressistes d'Afrique, la Cour Suprême est "l'arbitre final et l'interprète de la Constitution". Ses décisions sont définitives et exécutoires, prononcées par sept juges officiellement nommés par le président de la République mais que ce dernier n'a cependant pas le pouvoir de choisir.

Cours d'appel

Le nom des candidats sont soumis à la présidence par la magistrature, à l'issue d'un processus de candidatures libres, puis de sélection via des auditions publiques - parfois retransmises à la télévision. Créée pour statuer sur les décisions des cours d'appel relatives à la loi ou l'interprétation de la Constitution, la Cour Suprême est la seule juridiction autorisée à trancher des différends liés à la présidentielle.

"Le pouvoir judiciaire au Kenya a à plusieurs reprises affirmé son indépendance vis-à-vis de l'exécutif", rappelait en juillet dans un rapport la Fondation Carnegie pour la paix dans le monde. La Cour suprême est la plus haute instance du système judiciaire kényan, qui "est l'un des plus robustes de la région et ne pliera pas devant les pressions politiques", abonde l'analyste au cabinet britannique Verisk Maplecroft, Benjamin Hunter. Selon lui, "la Cour jouit d'une forte crédibilité et un processus judiciaire agirait comme une soupape pour désamorcer les tensions politiques".

La présidentielle de 2017 invalidée

Lors de la présidentielle d'août 2017, Uhuru Kenyatta est déclaré vainqueur avec 54% des voix, contre 45% à l'opposant historique d'alors, Raila Odinga. Ce dernier saisit la Cour Suprême, alléguant notamment que la base de données de la Commission électorale indépendante (IEBC) a été piratée et les résultats falsifiés.

Le 1er septembre, la Cour suprême invalide le scrutin, en raison d'"irrégularités", et ordonne la tenue d'une nouvelle élection dans les deux mois, une première en Afrique. Cette décision historique est saluée à l'étranger comme un gage d'indépendance du pouvoir judiciaire, mais fustigée par Kenyatta qui vitupère contre les juges "escrocs".

En octobre, il est finalement élu avec 98% des voix lors d'un scrutin boycotté par l'opposition et marqué par une faible participation. Quatre ans plus tôt, la Cour Suprême avait rejeté un recours déposé par Odinga, confirmant l'élection d'Uhuru Kenyatta pour son premier mandat.

Révision constitutionnelle retoquée en 2022

En mars 2022, la Cour Suprême du Kenya confirme son indépendance en invalidant un processus de révision constitutionnelle initié par Uhuru Kenyatta. Ce projet baptisé "Building Bridges Initiative" (BBI) entendait notamment créer de nouveaux postes au sein de l'exécutif, dont un de Premier ministre, afin d'atténuer le système actuel du "vainqueur qui rafle tout", causant selon le président des conflits électoraux récurrents.

Ses détracteurs dénonçaient un stratagème du chef de l'Etat, interdit par la Constitution de briguer un troisième mandat, pour se maintenir au pouvoir. Dans leurs exposés respectifs, six des sept magistrats ont estimé que le président n'avait pas le droit d'initier ce processus de révision.

Une femme à sa tête

Depuis mai 2021, la Cour suprême est présidée par Martha Koome, première femme de l'histoire du pays à diriger l'une des trois branches de l'Etat. Cette ancienne avocate aujourd'hui âgée de 62 ans, fervente militante des droits des femmes, était pourtant considérée comme une candidate improbable parmi les dix prétendants au poste.

Martha Koome s'est fait connaître sous le régime de l'autocrate Daniel Arap Moi (1978-2002), lorsqu'elle défendait des détenus politiques, dont Raila Odinga. Formée à l'Université de Londres, elle a rejoint la magistrature en 2003, après avoir exercé la profession d'avocat pendant plus d'une décennie.

En 2019, elle faisait partie d'un collège de cinq juges qui a rejeté un appel visant à empêcher une organisation de défendre les droits des homosexuels. Elle a promis de débarrasser le système judiciaire de la corruption et de préserver son indépendance."Je suis une juge qui regarde la société et les Kényans se sentiront en sécurité avec moi", a-t-elle déclaré.

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