Tchad
Depuis plusieurs années, le comédien Bonaventure Madjitoubangar organise dans les rues de la capitale tchadienne N'Djamena des lectures théâtrales pour amener la culture dans les quartiers populaires.
Ce jeudi, l'artiste de 35 ans, dreadlocks mi-longues, se produit à Chagoua, dans le sud de la capitale, près du fleuve Chari. Les maisons de tôle et les venelles poussiéreuses se succèdent. Des détritus jonchent le sol et des effluves émanent de la combustion de déchets plastiques. Mais pour le comédien, qui "veut rendre la culture accessible à tout le monde", ce décor suffit pour faire office de scène de théâtre. Pas besoin de lever de rideau.
"Le pouvoir n'en a rien à foutre de la culture, c'est pour cela que je prends l'espace public, pour amener le théâtre au plus grand nombre", affirme M. Madjitoubangar, fondateur de la troupe Théâtre Elan.
Pieds nus, assis sur une pile de briques, le comédien déclame des textes d'auteurs, le plus souvent tchadiens, mais aussi du continent africain. Une vingtaine de personnes, dont de nombreux enfants, se rassemblent pour la représentation, largement attirées par les sons du balafon, qui accompagne la lecture et émet un son aigü et envoûtant. Bonaventure Madjitoubangar lit son texte d'une voix forte, détachant avec application les mots, ses mains toujours en mouvement.
"C'est important d'amener le théâtre ici", déclare Walter Houlmbaye, un militaire de 42 ans, qui habite dans le quartier de Chagoua depuis 1986.
M. Madjitoubangar évoque aussi l'exode rural et les déplacements de population, dans un pays en proie aux attaques djihadistes et aux conflits intercommunautaires qui poussent de nombreux habitants à fuir leur région.
"Sans culture, on ne peut pas amorcer le développement du pays"
L'artiste est très impliqué dans la vie du quartier, organisant dans la rue des ateliers culturels avec les enfants. "Sans culture, on ne peut pas amorcer le développement du pays", affirme-t-il.
"Il n'y a pas d'étude d'arts dramatiques au Tchad, il a fallu que je parte au Burkina Faso pour suivre cette formation", assure le comédien.
"C'est bien ce qu'il fait pour le quartier, pour les enfants, avec les différents ateliers qu'il met en place", affirme de son côté Antoinette Nojidemgen, une commerçante de 30 ans.
"Ce que je fais, c'est un acte politique, amener la culture par la base mais cela prend du temps", souligne Bonaventure Madjitoubangar, qui ne se contente pas uniquement de faire des représentations de rue et se déplace parfois dans les cours des maisons.
Les thèmes abordés sont nombreux et en résonance avec l'actualité: les droits des femmes avec la lecture de "Une si longue lettre" de l'auteure sénégalaise Mariama Ba ou encore le poids des traditions avec "Sous l'orage" du dramaturge malien Seydou Badian. "Mais je peux également faire des pièces d'Albert Camus, la culture n'a pas de frontière", soutient le comédien.
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