Algérie
Un jeune internaute algérien a été condamné lundi à une lourde peine de prison pour avoir publié sur Facebook des "mèmes" moquant les autorités et la religion, dans un climat de répression accrue de la liberté d'expression sur le net en Algérie.
"Walid Kechida est condamné malheureusement à trois ans de prison ferme assorti d'une amende", a déclaré à l'AFP Kaci Tansaout, coordinateur du Comité national de libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers d'opinion en Algérie. "L'heure est très grave au moment où on s'attendait à sa libération aujourd'hui, voire même à une relaxe. Maintenant, on doit tous se mobiliser aux côtés des avocats en vue du procès en appel", a-t-il ajouté.
Ce verdict sévère, assorti d'une amende de 500 000 dinars (3 000 euros), a été confirmé par l'un des avocats, Me Moumen Chadi. Le parquet de Sétif (nord-est) avait requis cinq ans de prison contre Walid Kechida pour "offense au président", "aux préceptes de l'islam" et "outrage à corps constitué".
Le militant connu de la jeunesse de Sétif est en détention provisoire depuis plus de huit mois. Il lui est reproché d'avoir publié des "mèmes" - des images détournées de façon humoristique sur les réseaux sociaux - touchant aux autorités, notamment au président Abdelmadjid Tebboune, et à la religion. Ses illustrations virales, moquant de nombreux sujets, étaient diffusées sur le groupe Facebook "Hirak Memes", dont il était l'administrateur.
"Le pouvoir maintient sa feuille de route autoritaire et décide un autre coup de force en prévision des législatives, le durcissement des peines en est le signal", a dénoncé sur Twitter Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LADDH).
"Le gouvernement algérien poursuit sa vengeance contre les militants du Hirak_", le mouvement de contestation populaire, a réagi sur Twitter Ahmed Benchemsi, un responsable régional de Human Rights Watch (HRW).
Grève de la faim
Plus de 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec les protestations du Hirak et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées dans au moins 90 % des cas sur des publications sur les réseaux sociaux critiques envers les autorités, selon le CNLD. Surveillance des contenus, poursuites judiciaires et censure des médias électroniques : si le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, estime qu'il "n'existe pas de prisonniers d'opinion en Algérie", des ONG de défense des droits humains jugent quant à elles que l'étau se resserre sur internet.
Le cas de Walid Kechida est ainsi devenu emblématique. De nombreux internautes réclament sa libération, relayant son portrait cheveux mi-longs avec des lunettes de soleil ou reprenant les slogans "Free Kechida" (Kechida libre) et "Le mème n'est pas un crime".
Des affaires en justice similaires se sont multipliées en 2020. Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du quotidien Le Provincial basé à Annaba (nord-est), est actuellement poursuivi dans quatre affaires, toutes en lien avec ses publications sur les réseaux sociaux. Il est notamment accusé "d'atteinte à l'intérêt national" pour des messages sur Facebook faisant référence aux autorités, notamment à la police et à l'armée. Relaxé dans une autre affaire en novembre, il dénonce un acharnement judiciaire. Les autorités "multiplient les affaires en justice pour augmenter les chances de condamnation", a-t-il déclaré a l'AFP.
A Alger, trois détenus sont en grève de la faim depuis plus d'une semaine pour dénoncer la prolongation de leur mandat de dépôt. Mohamed Tadjadit, Noureddine Khimoud et Abdelhak Ben Rahmani, poursuivis dans la même affaire, sont en détention provisoire à la prison d'El Harrach depuis plus de quatre mois.
Dix accusations pèsent sur eux, dont atteinte à l'unité nationale, incitation à attroupement non armé, offense au président de la République ou encore diffusion de fausses nouvelles, selon le CNLD. Leurs messages et vidéos relayés sur les réseaux sociaux sont là encore en cause.
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