Chili
Le pape François aurait-il couvert les agissements du clergé chilien dans le scandale des abus sexuels ? Oui, répond une victime qui assure avoir remis une lettre au souverain pontife… qui l’a royalement ignorée.
En janvier, lors d’une visite officielle au Chili, le chef de l‘Église catholique romaine clamait une nouvelle fois la “tolérance zéro” pour les abus sexuels. Alors que le mécontentement grognait dans la communauté catholique de ce pays contre des abus dont se seraient rendus coupables des prêtres, le pape François avait alors déclaré qu’aucune victime n’avait dénoncé les tentatives de l‘Église chilienne d‘étouffer ce scandale.
“Vous me dites en toute bonne foi qu’il y a des victimes, mais je n’en ai vu aucune, parce qu’elles ne se sont pas manifestées”, déclarait alors le pape à l’Associated Press, à bord de l’avion qui le ramenait au Vatican.
Sauf que, Juan Carlos Cruz, l’une des présumées victimes du clergé a écrit une lettre manuscrite destinée au pape. Ce document de huit pages révélé à l’Associated Press par la Commission pontificale pour la protection des mineurs, décrit de façon explicite les attouchements et les baisers du père Karadima – principal accusé dans cette affaire – et le comportement du père Juan Barros, évêque de la ville d’Osomo, dans le sud du Chili.
Cette lettre, a été remise en avril 2015 au cardinal Sean O’Malley, adjoint du pape, par quatre membres de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. Les images de la scène ont été immortalisées et remises à l’AP comme “pièce à conviction”.
“Quand nous lui avons remis la lettre pour le pape, il nous a assuré qu’il la lui donnerait et qu’il transmettrait nos préoccupations au pape, a dit à l’AP une ancienne membre de la Commission, Marie Collins. Plus tard, il nous a assuré que ça avait été fait.”
L’a-t-il réellement fait ? Ou a-t-il simplement menti à la Commission. L’Associated Press assure que le Vatican n’a toujours pas répondu à ses demandes de réaction. Quant au pape, il ne s’est toujours pas exprimé sur la question.
Attouchements entre prêtres
Juan Carlos Cruz, la présumée victime vit désormais à Philadelphie. Lors d’un entretien avec l’AP, il affirme que le cardinal O’Malley lui a également téléphoné pour l’assurer que sa lettre avait été transmise au pape.
Dans sa lettre, il supplie le pape de l‘écouter et de respecter son engagement de “tolérance zéro”.
“Saint-Père, la douleur et l’angoisse que nous ont causés ces agressions sexuelles et psychologiques sont suffisamment graves, mais les mauvais traitements qui nous été infligés par nos pasteurs sont presque pires”, a-t-il écrit.
Il affirme avoir vu Fernando Karadima embrasser l‘évêque Barros et lui caresser les parties génitales. Il fait état de gestes similaires envers des adolescents et de jeunes prêtres. Il raconte que les jeunes religieux et les séminaristes se querellaient pour s’asseoir près du père Karadima à table et profiter de son affection.
“Le plus difficile était quand nous étions dans la chambre de Karadima et que Juan Barros, s’il n’embrassait pas Karadima, regardait pendant que Karadima nous touchait, les mineurs, et qu’il nous forçait à l’embrasser, en disant : + Mets ta bouche près de la mienne et sors ta langue + “, selon la lettre consultée par l’AP.
Prêtre charismatique proche du pouvoir chilien, le père Karadima a été condamné en 2011 à une vie de prière et de pénitence. Plusieurs de ses présumées se sont exprimées publiquement en 2010, après avoir dénoncé pendant des années aux autorités religieuses qu’il les embrassait et les caressait quand elles étaient adolescentes, sous le regard complice de l‘évêque Barros.
Plusieurs Chiliens n’ont pas encore pardonné au pape d’avoir ensuite nommé Juan Barros, un proche du père Karadima, comme évêque de la ville d’Osomo. Ce dernier réfute les accusations portées contre lui, mais des doutes subsistent. Le pape a également qualifié de “calomnies” les allégations à l’endroit de l‘évêque Barros. Mais, la semaine dernière, le Vatican a annoncé l’envoi au Chili par le pape de son principal enquêteur en matière de crimes sexuels, pour tenter de déterminer si l‘évêque Barros a étouffé ou non les agissements du père Karadima.
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