Kenya
Au Kenya, 2017 a été une année électorale. Mais, une élection à rebondissements sur fond de multiples irrégularités et surtout de violences ayant fait plusieurs morts. Le pays venait d’être rattrapé par la perfidie politique d’il y a dix ans.
Des primaires entachées de violences
Mai 2017. Les États-majors des partis politiques affûtent leurs armes pour les élections générales du 8 août. Mais, si pour la présidentielle, la Majorité présidentielle regroupée au sein de la coalition Jubilee d’Uhuru Kenyatta et la coalition de l’opposition NASA de Raila Ondinga se sont abstenues de passer par la case primaire, cette première étape a été obligatoire pour d’autres postes électifs comme la députation, le sénat ou le gouvernorat.
Et pour la désignation des candidats à ces institutions, chaque parti politique a eu son lot de cas de fraudes, d’intimidations, d’irrégularités, de corruptions… Bref, des dysfonctionnements qui ont alimenté des violences entre militants de mêmes partis politiques. Du coup, chaque camp a perdu au moins deux membres du fait de ces élections primaires.
Coup réussi de Raila Odinga, décision inattendue de la Cour suprême
En dépit de ces incidents, chaque parti a pu déposer la liste de ses candidats avant le délai fixé par l’IEBC, la commission électorale. Et le 8 août, les Kényans se rendent aux bureaux de vote pour désigner les sénateurs, les députés, les gouverneurs de comtés ou de provinces et surtout choisir le Chef de l’Etat. Huit prétendants au poste de président de la République : John Aukot, Mohamed Dida, Japheth Kaluyu, Shakhalaga Jirongo, Michael Mwaura, Joseph Nyagah, Uhuru Kenyatta et Raila Odinga. Mais, comme en 2013, deux favoris : Uhuru Kenyatta, le président sortant et Raila Odinga, candidat malheureux en 2007 et 2013.
Selon le décompte fait par l’IEBC, Kenyatta remporte la présidentielle dès le premier tour avec près de 55% de voix contre 44% pour Raila Odinga. Insatisfait de ces résultats, ce dernier va poursuivre son combat sur le plan juridique. Dans sa requête introduite à la Cour suprême, l’opposant relève de « graves dysfonctionnements et irrégularités » suite au « piratage » des données informatiques de l’IEBC.
Et contre toute attente, Raila Odinga obtient gain de cause, puisque la Cour suprême invalide les résultats et ordonne à l’IEBC d’effectuer des réformes en vue d’améliorer l’ingénierie électorale. Mais, les réformes de l’IEBC, notamment sa recomposition ne satisfont pas Odinga. L’opposition appelle ainsi à une série de manifestations. Lesquelles manifestations seront à la base des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Des blessés, des morts et des arrestations vont être enregistrés.
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La date du 26 octobre est choisie pour la reprise de l’élection. Odinga s’oppose à cette date en demandant de « véritables » réformes de l’IEBC. Cette fois-ci, l’opposant va essuyer une fin de non-recevoir. Dernier recours d’Odinga, le boycott. Au finish, Uhuru Kenyatta l’emporte haut la main.
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Ne s’avouant pas vaincu, il appelle à de nouvelles manifestations. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les violences vont encore faire des dizaines de morts. En septembre, des ONG faisaient état d’une cinquantaine de personnes ayant perdu la vie du fait des violences électorales. Odinga va envisager d’organiser sa propre investiture aux fonctions de Chef de l’Etat, parallèlement à celle d’Uhuru Kenyatta.
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Mais, il en sera dissuadé non seulement par les institutions de son pays, mais aussi par la Communauté internationale qui l’ont mis en garde contre de nouvelles manifestations.
Odinga, « co-président » du Kenya
Un feuilleton électoral qu’on pourrait qualifier de drame électoral qui fait penser à la tragédie de 2007 quand plus de 1100 Kényans perdirent la vie dans des violences électorales entre le camp de Raila Odinga et celui de Mwai Kibaki. Même si le nombre des morts de 2017 est largement inférieur à celui de 2007, la situation politique de 2017 n’est pas vraiment différente de celle d’il y a dix ans au pays de Jomo Kenyatta.
Un pays où la lutte politique est toujours menée, quel que soit le parti, sur la base de l’ethnie. Notamment entre les Luo de Raila Odinga et les Kikuyu d’Uhuru Kenyatta, cette tribu au pouvoir depuis l’indépendance. Les mêmes démons de la déloyauté politique ont refait surface en 2017. Le pays s’est retrouvé à quelques microns seulement de la guerre civile et donc de l’embrasement du fait d’une élite politique n’ayant visiblement pour seul stratagème que l’indécence pour s’exprimer ou agir.
Et l’économie dans tout ça ?
Devant une situation sociopolitique des plus tendues, seul le dialogue pouvait permettre un dégel. À l’instar de 2007 quand Mwai Kibaki accepta de partager le pouvoir avec Odinga en le nommant Premier ministre. Ce qu’a refusé catégoriquement Uhuru Kenyatta. Une position susceptible d’aggraver la situation, et même impacter plusieurs secteurs vitaux dont l’économie.
Comparativement à 2007, l’économie kényane a encore fait les frais des disputes politiques. Et le FMI avait déjà prédit dès janvier la baisse du taux de croissance de 6 à 5% à cause du climat politique. Dès mai, la Chambre de commerce du Kenya affirmait que le pays perdait des milliards de dollars par jour à cause de l’incertitude politique. Le secteur des transports par exemple a enregistré des pertes journalières de près de 800 000 dollars. La Bourse de Nairobi a reculé de près de 893 millions de dollars.
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De quoi retarder l’économie la plus dynamique de l’Afrique de l’Est. Heureusement que cette crise, contrairement à celle de 2007 n’a pas beaucoup repoussé les investisseurs étrangers. En 2017, le constructeur d’automobiles français Peugeot PSA s’est réinstallé au Kenya.
CHAN 2018 : le Kenya file un gros lapin au monde du foot
Or, pendant que les acteurs politiques se disputaient, aucune infrastructure sportive ou presque n’était encore construite ou réhabilitée. La CAF a donc décidé de retirer l’organisation du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) de football réservé aux joueurs évoluant dans les championnats locaux, au Kenya. Pour se tourner vers le Maroc qui l’abritera en mi-janvier. L’événement aurait peut-être servi d’opportunité au Kenya pour davantage valoriser son potentiel touristique.
Jemima Sumgong ou la chute d’une reine olympique
Un malheur n’arrivant jamais seul, 2017 va presque sonner le glas de la carrière d’une grande athlète du pays. Première Kényane, championne olympique, Jemima Sumgong venait d’être contrôlée positive au dopage. Elle sera vite destituée de sa couronne avec à la clé une suspension de quatre ans. Une sorte de retraite anticipée pour l’athlète âgée de 32 ans.
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Quant à 2018…. ?
C’est donc un Kenya affaibli qui aborde 2018. Une année pendant laquelle les Kényans devraient mettre à profit les errements de 2017 pour bâtir un avenir meilleur dans un pays où le chômage de masse, la sécheresse, la famine et bien d’autres fléaux constituent des freins au développement.
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