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Génération Z et cybersécurité : comment protéger les mobilisations dans l’espace numérique
Alors que la jeunesse africaine, majoritairement issue de la Génération Z, descend massivement dans les rues pour réclamer des réformes politiques et économiques, ses combats s'organisent et se propagent dans l'espace numérique. Du Maroc à Madagascar, ces mobilisations, bien que pacifiques, se heurtent à de nouveaux défis : la vulnérabilité cyber des activistes et la protection de leurs données personnelles.
Une jeunesse connectée mais exposée
Au Maroc comme à Madagascar, les revendications portent sur les inégalités, l'accès à l'éducation, aux soins et le manque d'opportunités économiques dans des pays où le chômage des jeunes dépasse les 25%. La coordination de ces mouvements repose largement sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie comme Telegram, Instagram ou Discord.
Pourtant, cette aisance numérique masque une exposition accrue aux cybermenaces. Selon le 2025 Global State of Authentication Survey, la Génération Z est le groupe démographique le plus vulnérable au phishing. Ronnie Manning, de Yubico, spécialiste des solutions de sécurité numérique, alerte : « La génération Z se distingue comme le groupe démographique le plus vulnérable au phishing : 62 % déclarent y avoir déjà réagi, c’est-à-dire avoir cliqué sur un lien ou ouvert une pièce jointe provenant d’une arnaque de ce type au cours de l’année écoulée. »
Les risques numériques des mobilisations
Fawaz Moussougan, consultant et expert en cybersécurité, dresse une cartographie des dangers auxquels les jeunes organisateurs doivent faire face.
« Le principal risque, c'est l'exposition des données personnelles. Lorsqu'on se connecte, on risque d'exposer ses contacts, sa localisation, des horaires et tout ce qui va être photo ou identifiant », explique-t-il. Au-delà de la fuite d'informations, l'infiltration et la manipulation représentent des menaces majeures. « L'autre risque majeur aussi ce sont les faux comptes qui peuvent proliférer. Des agents provocateurs peuvent bien entendu infiltrer les groupes qui sont légitimes. Des bots peuvent s'introduire dans les groupes qui sont privés. »
La désinformation, souvent véhiculée par des images manipulées, vient brouiller les messages et désorienter les participants légitimes. Enfin, M. Moussougan souligne le risque de « surveillance et la collecte abusive de données. Parce que voilà, les Etats peuvent s'infiltrer, utiliser des outils de surveillance réseau, intercepter des communications. »
Cadre légal et responsabilités des États
Face à ces risques, la question du rôle des autorités se pose : comment garantir la sécurité sans empiéter sur les libertés numériques ?
Fawaz Moussougan rappelle l'existence d'un cadre juridique africain, citant « la convention de Malabo 2014 et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », dont l'article neuf garantit la liberté d'expression. Au niveau national, il évoque la loi marocaine « 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel ».
Cependant, la mise en œuvre est complexe. « La frontière entre le cadre légal et illégal est mince », note l'expert, pointant la difficulté pour les États africains à réguler des plateformes étrangères comme Discord, dont ils n'ont pas un accès direct aux données utilisateurs.
Le devoir d'éducation et de prévention
La vulnérabilité des jeunes militants connectés interpelle directement la responsabilité des gouvernements en matière de prévention et d'éducation. Sur ce point, le bilan est contrasté.
« Les Etats investissent, certes, mais aujourd'hui, au niveau africain, la question de la sensibilisation n'est pas forcément prise à cœur par beaucoup d'Etats », constate Fawaz Moussougan. Il salue les efforts du Maroc et du Bénin, dont les modèles « se dupliquent dans les pays limitrophes », mais déplore le manque criant d'initiatives robustes de « fact-checking » (vérification des faits) sur le continent.
« On peut effectivement parler de plateforme comme Paradigm Initiative, on peut évoquer des mini projets soutenus par des ambassades étrangères en Afrique. Mais ces projets-là ne prospèrent pas », affirme-t-il. Cette lacune a des conséquences directes : « Dès qu’il y a une information qui circule, tout de suite l'information devient virale alors qu'elle est fausse. »
Alors que plus de 60% de la population africaine a moins de 25 ans, la sécurisation de l'espace numérique d'expression et de mobilisation est devenue un enjeu démocratique et de stabilité sociale. Les aspirations politiques et économiques de la Génération Z ne pourront être portées efficacement que dans un environnement numérique protégé. Comme le conclut Fawaz Moussougan, face à un numérique de plus en plus présent dans les usages, « il va falloir investir de façon conséquente pour pouvoir renforcer la résilience numérique. » La protection des mobilistes en ligne est désormais indissociable de la protection de leurs droits fondamentaux.
Forum mondial sur la cybersécurité : l’Afrique appelée à combler le fossé numérique
À Riyad, le Forum mondial sur la cybersécurité a réuni dirigeants et experts autour d’un enjeu majeur : face aux menaces numériques, l’union mondiale devient indispensable.
antique et coopération internationale ont dominé les débats. « Les cyberattaques ignorent les frontières, aucun continent ne peut lutter seul », a averti Jürgen Stock, ex-secrétaire général d’Interpol. Un constat alarmant : quand les pays développés investissent 30 $ par habitant dans le numérique, l’Afrique n’en consacre même pas 1.
Pour Macky Sall, ancien président du Sénégal l'urgence est de former la jeunesse et connecter les écoles pour combler ce retard. En marge du sommet, l’Arabie saoudite a lancé, avec l’appui de l’ONU et d’Interpol, une initiative mondiale pour former une nouvelle génération d’experts et bâtir un cyberespace plus sûr et inclusif.
4 milliards de pertes : l’Afrique doit unifier son cadre pour attirer les investisseurs dans sa défense numérique
Au Forum mondial sur la cybersécurité à Riyad, les experts ont tiré la sonnette d’alarme : alors que la révolution numérique accélère en Afrique, des services financiers mobiles aux administrations connectées, les cybermenaces explosent elles aussi. Le continent perd déjà près de 4 milliards de dollars par an à cause de la cybercriminalité. INTERPOL forme des équipes via son Africa Cybercrime Desk, mais « c’est une goutte d’eau sans financement durable », avertit Craig Jones, ancien directeur de la cybercriminalité de l’organisation.
La question posée à Riyad résonne : qui assurera la défense numérique africaine ? Le secteur privé se dit prêt à investir, mais réclame un cadre cohérent. « Sans fondations solides, impossible de passer à l’échelle », souligne Bocar Ba du SAMENA Council. Avec 39 pays dotés d’une législation cyber et de premiers investissements comme les 100 millions de dollars de l’IFC dans des data centers, l’Afrique amorce enfin un virage stratégique.
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