Maroc
Des membres de la classe politique marocaine ainsi que des activistes pointent du doigt un climat qui limiterait les imams lorsqu'ils abordent la guerre à Gaza dans leur prédication.
Alors que le parlement du royaume s'est réuni la semaine dernière, la députée Nabila Mounib a regretté que les imams soient entravés dans leurs propos sur le sort des Palestiniens de Gaza. Selon la députée, les religieux ne pourraient pas non plus appeler à un éventuel "combat sacré".
"Aucun imam ne peut parler de la question palestinienne," Nabila Mounib avait affirmé mardi 5 novembre.
Des activistes marocains avaient déjà fait le même constat peu après le début de la dernière guerre dans le conflit Israélo-palestinien il y a 14 mois.
Un communiqué du ministère des affaires islamiques avait réfuté l'authenticité d'un document qui circulait sur les réseaux sociaux. Ce "faux document" soutenait l'idée selon laquelle des restrictions étaient en vigueur. Dans le démenti, le ministère avait notamment réitéré le soutien du Maroc à la cause palestinienne.
Suite à la sortie de la députée Nabila Mounib, le ministre des Affaires islamiques a renchéri en rejetant les affirmations de l'élue.
"Tout imam qui dénonce la barbarie [de la guerre] et de l'injustice est le bienvenu," Ahmed Toufiq a insisté.
ajouté mention jihad?
Pourtant, certains militants propalestiniens assurent que le contrôle exercé par les autorités révèle les tensions croissantes entre le pouvoir et la rue marocaine depuis le 7 octobre.
"En islam, les imams ont le droit de prendre position, c'est même un devoir," Ahmed Wehman, le chef de l'Observatoire marocain contre la normalisation au Maroc a déclaré à Associated Press.
"Le gouvernement n'a rien à voir avec l'opinion publique marocaine. Il ne représente pas le Maroc ni les Marocains."
Contestation de la position officielle... et de la monarchie ?
Le pays du Maghreb est la terre natale de l'une des plus importantes communautés juives de la région. Le Maroc figure également parmi les pays arabes qui ont normalisé leurs liens avec l'état d'Israël en 2020.
Ce changement de politique extérieure a cependant profondément divisé la nation. Des dizaines de milliers de marocains continuent de battre le pavé dans les principales villes du pays depuis le début de la guerre à Gaza. Les principaux mots d'ordre des manifestants : un cessez-le-feu et la rupture des relations diplomatiques avec Israël.
Les manifestations ont rassemblé des citoyens de tout bord politique. Les militants du Al Adl Wal Ihsane, parti islamiste non-reconnu officiellement mais toléré ont pris part aux marches. Des membres de cette association ont été arrêtés pour avoir exprimé leur opposition à la position officielle de leur pays sur les réseaux sociaux.
L'analyste géopolitique Hichem Lehmici n'est pas surpris par climat tendu: "Une des conséquences liées au développement des grandes métropoles marocaines, ça a été une inflation réelle très lourdement vécue par les familles marocaines modestes qui ne peuvent plus du tout se loger dans les grandes villes. Et cela nourrit une contestation sociale très forte qui se focalise aujourd'hui autour de la question palestinienne."
"Cette contestation s'exprime à travers une colère de plus en plus forte part rapport au partenariat que le Maroc a engagé avec Israël. Il est très mal vécu par la population qui le voit véritablement comme une terrible humiliation."
"C'est quelque chose qui focalise la colère sociale et qui peut vraiment servir de réceptacle pour peut-être [alimenter] des mouvements de contestation beaucoup plus large de la monarchie," avance-t-il.
"Jusque ici, très globalement, en dehors de la région du Rif [Ndlr : région du nord du Maroc], la grande majorité des marocains soutenait le principe monarchique mais depuis une ou deux années, un discours de contestation du principe monarchique se fait entendre. C'est quelque chose de vraiment nouveau," conclut le secrétaire du GIPRI.
Le contrôle des prédicateurs, une pratique historique
Francesco Cavatorta, professeur de science politique à l'Université de Laval au Québec, a rappelé que des pays comme le Maroc, l'Algérie, l'Egypte et la Syrie ont "historiquement exercé un certain contrôle sur les imams" et ce dans le but de "contrôler le narratif religieux et de s'assurer que les prêches ne menaçaient pas la stabilité" de l'Etat.
Au Maroc, la régulation fait partie d'efforts consentis afin d'être perçu comme "un pays musulman mais également un pays tolérant et accueillant", avance le professeur.
Le royaume chérifien a au fil des années suspendue des prédicateurs qui s'éloignaient des directives. Le ministère des Affaires islamique publie chaque mercredi des orientations aux imams, deux jours avant les prêches de la prière du vendredi.
Le contenu des prédications a par le passé déjà, opposait le gouvernement à des activistes. En 2017, alors que des manifestations anti-gouvernementales secouaient la région nord du pays, le ministre des Affaires islamiques avait donné pour consigne aux prédicateurs de reprocher aux manifestants de "promouvoir la fitna [Ndlr: de la division entre musulmans]", le média Desk avait-il rapporté.
Nasser Zefzafi, l'un des prisonnier politique les plus connus du pays, avait d'ailleurs été arrêté cette même année après avoir interrompu un prêche qui commentait les manifestations. L'homme avait notamment demandé en criant si les mosquées servaient Dieu ou la monarchie.
Le ministère des affaires islamiques n'a pas répondu aux sollicitations pour commenter le sujet.
Les imams d'Afrique du Nord ont régulièrement évoqué la guerre à Gaza depuis le mois d'octobre 2023. Et ce, même dans les pays où les autorités ont un droit de regard sur les prédications.
Tandis que la guerre à Gaza se poursuit, l'état d'Israël continue de mener des offensives au Liban. La Syrie, l'Iran sont d'autres pays visés par les manœuvres de l'armée israélienne.
"L'élimination de l'oppression et le mal -qu'importe l'endroit où ceux-ci se manifestent dans le monde- passe par l'unité et la solidarité des musulmans," le président des Affaires Religieuses de la République de Turquie a déclaré dans une prédication vendredi 8 novembre en Azebaïdjan.
Et Ali Erbas d'ajouter: "Lorsque les musulmans agissent ensemble, conscients de leur fraternité et dans un esprit de solidarité, tous les peuples [peuvent] trouver la paix."
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