France
Le procès, devant la cour d'assises de Paris, de l'ex-gendarme rwandais Philippe Hategekimana, naturalisé français sous le nom de Philippe Manier, va entrer dans une phase décisive mercredi avec le premier interrogatoire sur le fond de l'accusé, poursuivi notamment pour génocide et crimes contre l'humanité.
Ex-adjudant-chef de la gendarmerie de Nyanza, dans la préfecture de Butare, au sud du Rwanda, M. Manier, 66 ans, est jugé depuis le 10 mai. Il a peu eu l'occasion de s'exprimer et a choisi le plus souvent de garder le silence quand il était interrogé.
M. Hategekimana/Manier est poursuivi pour son implication présumée dans les meurtres de dizaines de Tutsis dans la préfecture de Butare, dont le bourgmestre de Ntyazo qui résistait à l'exécution du génocide dans sa commune. Il aurait notamment ordonné l'érection de plusieurs "barrières", des barrages routiers "destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsis".
L'accusation lui reproche également d'avoir participé, en donnant des ordres, voire parfois en étant directement impliqué sur le terrain, à trois massacres : celui de la colline de Nyabubare, où quelque 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994, celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure, où s'étaient réfugiés des milliers de Tutsis et celui de l'Isar Songa, l'Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées.
L'accusé conteste toutes ces accusations. Il a affirmé notamment qu'il se trouvait à Kigali, chargé de la sécurité d'un colonel, au moment du massacre de la colline de Nyabubare.
Si au cours de ces dernières semaines des dizaines de témoins ont raconté l'horreur du génocide, peu ont pu identifier formellement l'accusé, connu au moment des faits, il y a près de 30 ans, sous le nom de "Biguma".
"Il a un peu vieilli mais c'était bien ce visage-là", a affirmé Valens Bayingana, un rescapé du massacre de la colline de Nyamure, en le montrant. Mais, la plupart des autres témoins ont admis qu'ils ne connaissaient pas l'accusé tout en soulignant qu'ils avaient "entendu dire" que "Biguma" avait organisé des attaques.
La cour a également entendu les témoignages d'anciens assaillants, condamnés pour leur participation au génocide, interrogés par visioconférence de leur prison de Kigali : ils ont livré les témoignages les plus accablants à l'encontre de l'accusé, mais la défense a émis des doutes sur la crédibilité de leurs témoignages.
L'interrogatoire de l'ex-gendarme rwandais est prévu jusqu'à jeudi. Les réquisitions sont attendues le 26 et la fin du procès le 28 juin.
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