Soudan
Des explosions ont secoué Khartoum mardi au quatrième jour du conflit au Soudan où la situation reste chaotique, en dépit des appels internationaux de plus en plus nombreux à cesser les hostilités qui ont déjà fait près de 200 morts.
Dans le ciel de capitale, les avions de l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays depuis le putsch de 2021, tentent de venir à bout des tirs intenses des blindés de paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", son second pour le coup d'Etat devenu depuis samedi son ennemi juré.
Malgré les appels des ministres des Affaires étrangères du G7 réunis au Japon, de l'ONU et des Etats-Unis "à mettre immédiatement fin à la violence", les combats continuent. Des hommes en treillis et parfois enturbannés comme les nomades du Darfour font régner la terreur au Soudan.
Mardi, le général Daglo a annoncé sur Twitter avoir approuvé "un cessez-le-feu de 24 heures", "une déclaration de la rébellion visant à dissimuler sa défaite imminente", a aussitôt dénoncé l'armée dans un démenti publié sur Facebook.
Les habitants restent cloîtrés chez eux sans électricité ni eau courante et voient leur stocks de nourriture fondre. Et les rares épiceries ouvertes préviennent qu'elles ne tiendront plus longtemps sans réapprovisionnement.
L'épuisement guette les habitants de la capitale, "cela fait quatre jours que l'on ne dort pas" affirme ainsi à l'AFP Dallia Mohamed Abdelmoniem, 37 ans.
Elle précise rester "à l'intérieur" avec sa famille, par peur des bombardements et combats de rue incessants qui depuis samedi ont fait plus de 185 morts selon l'ONU et poussé plusieurs ONG et agences de l'ONU a suspendre toute aide.
Dans un pays où la faim touche plus d'un habitant sur trois, humanitaires et diplomates disent ne plus pouvoir travailler. Trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués et des stocks d'aides pillés au Darfour (Ouest). Lundi, un convoi diplomatique américain a essuyé des tirs et l'ambassadeur de l'Union européenne a été "agressé dans sa résidence" à Khartoum.
Hôpitaux en détresse
L'ONU recense 1.800 blessés. Ils peinent à accéder aux hôpitaux, craignant les balles perdues ou les bombardements que militaires comme paramilitaires mènent en pleine zone résidentielle à Khartoum et ses banlieues.
Au Darfour, bastion du général Daglo et de milliers de ses hommes qui y ont mené des atrocités durant la guerre lancée en 2003, Médecins sans Frontières (MSF) annonce avoir accueilli en trois jours 183 blessés dans son dernier hôpital fonctionnel. "Une majorité de civils, dont beaucoup d'enfants", rapporte l'ONG.
A Khartoum, des colonnes d'épaisse fumée noire s'élèvent au-dessus des QG de l'armée et des paramilitaires alors que quelques civils s'aventurent dehors à la recherche de nourriture ou d'un générateur encore alimenté en fuel pour recharger un téléphone ou une batterie.
Impossible de savoir quelle force contrôle quoi. Les deux camps disent par communiqués interposés tenir l'aéroport, le palais présidentiel et le QG de l'état-major.
Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, s'est entretenu mardi avec les deux généraux et a souligné dans un tweet "l'importance d'assurer la sécurité du personnel diplomatique et des travailleurs humanitaires".
Guerre "existentielle"
Mais les deux hommes semblent désormais ne plus vouloir reculer dans cette guerre devenue "existentielle" pour leurs camps, selon des experts.
L'armée n'en finit plus de dénoncer "un coup d'Etat" de "rebelles soutenus par l'étranger" quand Hemedti déclare lutter "pour la liberté, la justice et la démocratie".
Ce slogan de la "révolution" de 2019 était jusqu'à récemment encore scandé dans la rue par les militants pro-démocratie voulant en finir avec le pouvoir militaire, quasiment une constante au Soudan depuis l'indépendance en 1956.
Le conflit entre les deux généraux, latent depuis des semaines, a explosé quand ils ont été forcés d'annoncer leur plan pour intégrer les FSR aux troupes régulières. Incapables de s'accorder sur un calendrier et les conditions de recrutement, ils ont fait parler les armes.
Pour le politologue Amr Chobaki, "la situation actuelle est le résultat des erreurs du régime Béchir et de la période de transition qui aurait dû, après la chute de Béchir (en 2019), discuter l'unification des forces armées".
"Les civils voulaient démanteler l'ancien régime mais ce qui a été démantelé ce sont les forces politiques et l'armée", explique-t-il à l'AFP.
Le grand voisin égyptien, lui, multiplie les initiatives pour "un retour à la table des négociations". Il a appelé les deux généraux et lundi soir, le président Abdel Fattah al-Sissi a convoqué un Conseil de défense inhabituel.
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