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Tchad : la population vit "la peur dans le ventre", selon une activiste

Tchad : la population vit "la peur dans le ventre", selon une activiste
Des manifestants anti-gouvernementaux mettent le feu à une barricade lors d'affrontements à N'Djamena, au Tchad, le 20 octobre 2022   -  
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AP/AP

Tchad

Au moins 200 personnes ont disparu depuis la répression sanglante du 20 octobre 2022 au Tchad, où la population vit désormais "la peur dans le ventre", s'alarme l'une des premières femmes à être devenue avocate dans ce pays, Delphine Djiraibé.

Selon cette pionnière du mouvement pour les droits humains au Tchad, les statistiques réelles sont plus élevées car ses chiffres ne tiennent compte que des familles interrogées dans une partie de la capitale par son association Public Interest Law Center, qui offre une assistance juridique et des formations et représente bénévolement de nombreuses victimes devant les tribunaux.

"Les familles sont toujours dans l'attente d'informations", déplore Mme Djiraibé, lors d'un entretien à l'AFP à Genève où elle doit recevoir jeudi le Prix Martin Ennals, un des plus prestigieux dans le monde en matière des droits humains, en présence du Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk. Selon elle, la répression de l'opposition se poursuit : "Les jeunes sont pourchassés comme des bêtes sauvages".

Manifestations

Le 20 octobre 2022, une cinquantaine de personnes ont péri, selon le gouvernement, essentiellement des jeunes tués par balles à N'Djaména par les forces de l'ordre, lors d'une manifestation de l'opposition contre le maintien au pouvoir pour deux années supplémentaires du président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno.

Plus de 600 jeunes tchadiens, dont des mineurs, ont été raflés à N'Djamena lors de cette manifestation, jugés dans un procès de masse, sans avocats ni médias indépendants, après un mois et demi de détention.

Avec son association, Mme Djiraibé collecte des informations auprès des familles. La population est "complètement traumatisée", raconte-t-elle, qualifiant son pays de très hostile aux droits humains et au système judiciaire "complètement corrompu". "Les gens vivent la peur dans le ventre" mais avec "une grande colère" également car des familles sont sans nouvelle de leur enfant ou ne savent pas où se trouve leur dépouille.

Junte militaire

Selon cette éminente défenseuse des droits humains de 62 ans, qui a obtenu le prix Robert F. Kennedy des droits de l'homme en 2004 et l'ordre national du mérite français au grade d'officier en 2014, les jeunes sont débusqués jusque dans leurs villages où ils se cachent.

"(Ils) envoient des missions qui vont corrompre les chefs de village pour leur dire de dénoncer toute personne qui vient nouvellement au village", explique-t-elle, parlant d'une population vivant dans "la psychose".

Ayant consacré la moitié de sa vie à la défense des droits humains, elle refuse de céder à la peur et refuse de se cacher, mais des gardiens assurent sa sécurité. "Je suis prisonnière chez moi", se désole-t-elle.

Mme Djiraibé, qui a joué un rôle important pour faire juger l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré en 2016, accuse la communauté internationale qui continue de soutenir la junte militaire au pouvoir, au nom de "la sécurité dans le Sahel".

Sécurité

Aux confins du Tchad, du Niger, du Cameroun et du Nigeria, le lac Tchad est une vaste étendue d'eau et de marécages parsemés de centaines d'îlots dont certains servent de repaire à des groupes très mobiles de Boko Haram et à l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP). Les jihadistes s'attaquent régulièrement aux armées et aux civils des quatre pays riverains.

Pour Mme Djiraibé, il est "totalement faux" de croire que la sécurité dans la région ne peut exister sans gouvernement militaire.

"Dans un État normal, la sécurité ne dépend pas d'une personne ou d'un système au pouvoir ou de clans", indique-t-elle. Elle souligne également que la lutte contre les djihadistes ne doit pas se faire aux dépens de la population tchadienne.

"C'est l'état de précarité dans lesquelles vivent ces communautés qui les rend vulnérables au recrutement des djihadistes", dit-elle, appelant à traiter le mal à la base en offrant à la population de quoi subvenir à ses besoins et de meilleures perspectives.

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