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Kenya : la campagne présidentielle reflète les inégalités

Kenya : la campagne présidentielle reflète les inégalités
Un hélicoptère transportant le leader de la coalition politique Azimio la Umoja, Raila Odinga, se prépare à atterrir au stade de Githunguri, le 6 juillet 2022.   -  
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TONY KARUMBA/AFP or licensors

Kenya

Un à un, sept hélicoptères s'élèvent dans un immense nuage de poussière, sous les acclamations de la foule. Raila Odinga, vétéran de l'opposition désormais soutenu par le pouvoir pour l'élection d'août, vient d'achever un énième meeting dans l'ouest du Kenya.

Dans ce pays d'Afrique de l'Est, la politique est une affaire de gros sous et cette année encore, les candidats n'ont pas lésiné sur les hélicoptères, les rutilants 4x4 et les camions à leur effigie.

"Vous allez voir ces gens-là survoler tout (le pays) avec sept, dix hélicoptères (...) et quand ils arrivent, ils vous disent qu'ils sont là pour le mwananchi (le simple citoyen en swahili, ndlr)", explique à l'AFP Benard Ooko, un comptable présent ce jour-là à Bondo, le village natal de Raila Odinga. "Le simple citoyen marche pieds nus, le simple citoyen n'a rien à manger".

Les dispendieuses campagnes électorales kényanes soulignent l'ampleur des inégalités dans un pays où trois personnes sur dix vivent dans l'extrême pauvreté, avec moins de 1,90 dollar par jour, selon la Banque mondiale.

Ces disparités alimentent le malaise social dans ce pays de 50 millions d'habitants confronté, après la pandémie de coronavirus, à une explosion des prix alimentaires liée à la guerre en Ukraine ainsi qu'à une rude sécheresse.

"Débrouillards" contre dynasties

William Ruto, l'actuel vice-président et principal adversaire de Raila Odinga, a été raillé pour son usage intensif des hélicoptères pour ses meetings, alors qu'il distribue des brouettes à ses partisans.

Symbole du dur labeur des travailleurs du secteur informel, la brouette est le logo de l'UDA (United Democratic Alliance), le parti de Ruto. Ce riche homme d'affaires parti de rien s'est érigé en défenseur des "débrouillards" face aux dynasties de la politique, auxquelles appartient son adversaire.

Des deux côtés, le spectacle des vrombissants hélicoptères coûte cher. La location d'un appareil de trois places coûte 2 000 dollars de l'heure. Le salaire minimum au Kenya est de 15 120 shillings (127 euros).

Fin 2020, 67 hélicoptères étaient enregistrés pour l'usage civil, a affirmé à l'AFP Gilbert Kibe, l'ancien directeur général de l'Autorité de l'aviation civile kényane (KCAA). Mais des données officielles sud-africaines montrent que le Kenya a importé de ce seul pays quelque 325 appareils en 2020.

Selon l'ONG Oxfam, la fortune des deux Kényans les plus riches est supérieure aux revenus cumulés de 30 % de la population, soit 16,5 millions de personnes.

"L'inégalité extrême au Kenya avec une richesse et une concentration des opportunités croissantes tandis que des millions de Kényans s'enfoncent dans un dénuement et un désespoir indignes, est un choix politique regrettable", déplore John Kitui, directeur d'Oxfam dans le pays. "C'est obscène, contraire à l'éthique et c'est une forme de violence sociale".

Ces disparités devraient encore s'aggraver: la locomotive économique de l'Afrique de l'Est a connu une inflation record à 7,9 % en juin, du jamais-vu depuis près de cinq ans, avec notamment une explosion des prix des produits de base comme le maïs et l'huile.

Attirance

Malgré tout, les électeurs sont loin de tourner le dos à ces campagnes électorales bling-bling, relèvent des observateurs de la politique kényane.

À plusieurs reprises, des hommes ont été vus s'agrippant périlleusement aux patins d'atterrissage des hélicoptères de leur homme politique préféré, poussant la KCAA à sanctionner ce qu'elle appelle des comportements "à la James Bond".

"L'électeur lambda a une attirance pour le riche homme politique", note l'analyste politique Nerima Wako-Ojiwa, tout en soulignant que d'autres facteurs pèseront plus lourd dans l'isoloir.

"Cette élection va être d'abord définie par l'appartenance tribale, puis par le genre, ensuite par l'âge", dit-elle.

Joy Mdivo, autre analyste politique, souligne, elle, que les hélicoptères sont "une nécessité plus qu'un luxe" pour les candidats qui vont à la pêche aux voix jusque dans les villages reculés et dénués d'infrastructures.

"Le transport aérien est beaucoup plus sûr que la route et pour les candidats à la présidence, leur vie est une question d'intérêt national", explique-t-elle à l'AFP, en référence à la mauvaise qualité des routes et au grand nombre d'accidents mortels.

Dans la capitale Nairobi, Halima Wanjiru, qui à 22 ans votera pour la première fois le 9 août, n'est, elle, pas impressionnée par cette démonstration de richesse : "C'est que de la com'. Il n'y a que leurs proches qui en profitent quand ils entrent en fonction."

Dans un pays où la corruption est endémique, Samuel Onyango Wala, un homme d'affaires venu assister au meeting de Bondo, appelle même à des enquêtes sur les dépenses de campagne des candidats.

"D'où vient cet argent ? Du contribuable", raille-t-il : "Ils pillent l'économie pendant que le simple mwananchi souffre ici-bas et ça ne nous convient pas du tout."

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