Mozambique
Dans ce village mozambicain, la scène n'est pas inhabituelle : un mari en colère agrippe sa femme. Les insultes fusent mais alors qu'il lève le poing, l'homme est soudain intercepté par deux policières en pagne traditionnel.
Il se débat, rouspète, le voilà plaqué à terre. Ses gesticulations n'y font rien. Il reçoit une volée de coups de bâtons sous les vivats de l'assistance.
La scène fait rire car il ne s'agit que d'un exercice. Mais dans la réalité, les violences empoisonnent le quotidien des femmes de cette zone rurale proche de Manica (centre-ouest).
Fatima, 18 ans, raconte à l'AFP avoir été mariée de force à 15 ans: "Mon mari me battait mais ma mère m'a dit de rester", souffle-t-elle timidement. Elle a pu partir quand son mari s'est finalement retrouvé en prison.
Ces violences qui ont lieu à la maison, dans la rue, sont punies par la loi depuis 2009, mais son application se heurte à des résistances notamment dans les campagnes. Et le pays est encore à la 127e place sur l'index des inégalités homme-femme de l'ONU.
Selon l'Unicef, les trois quarts des Mozambicains font appel à des tribunaux populaires notamment pour régler les affaires de violences sexuelles. Les autorités locales sont par ailleurs peu formées pour ce genre de litiges.
Ici, une brigade de police locale exclusivement féminine, créée à l'origine pour pouvoir fouiller et interpeller des femmes, a été reconvertie depuis 2011 en unité de lutte contre les violences fondées sur le genre.
Leur mission, arrêter les agresseurs en attendant l'arrivée des policiers de la ville située à une bonne heure de piste cabossée.
Loi du silence
"Avant, il y avait beaucoup de réticences de la part des hommes. Mais après dix ans, à force de parler, expliquer, sensibiliser, la violence a baissé", affirme Elisa Eduardo, membre de la brigade lancée par l'association locale Lemusica, acronyme de "Levez-vous femmes et continuez votre chemin".
La force est rarement employée, la plupart des conflits se règlent par la parole. La priorité est d'éduquer et assister les femmes plutôt que pourchasser leurs bourreaux.
Près de la geôle improvisée où ces derniers sont conduits, une chambre a été aménagée. Les victimes peuvent y recevoir des soins et témoigner à l'abri des regards et des représailles. A la campagne, le silence est la règle et les femmes violentées trouvent généralement peu de soutien au sein des familles.
"Le résultat d'un système patriarcal qui nous éduque dans l'idée que les femmes n'ont rien à dire, aucun pouvoir de décision et qu'elles ne font rien d'important", dénonce Achia Anaiva, présidente de Lemusica.
L'organisation, qui recueille enfants et adolescentes dans la capitale régionale Chimoio, met ainsi l'accent sur l'éducation et l'émancipation, pratiquement impossibles au village.
Mais Vasco Filip, conseiller du chef traditionnel, garde sa propre vision de la mission des femmes policières: "c'est bien pour mener des fouilles sur d'autres femmes, car elles peuvent cacher des objets volés à des endroits que les hommes ne peuvent pas fouiller".
Quant aux violences, "il y en a oui, mais il y a aussi la violence psychologique des femmes contre les hommes", estime-t-il.
Pour l'association, le dialogue est ardu mais l'autorité des chefs traditionnels reste incontournable, explique Mme Anaiva.
Avec son afro et ses discours féministes bien rodés, cette militante détonne dans le paysage. Mais à ceux du village qui la verraient comme une citadine pétrie d'idées occidentales, elle rappelle que la loi de 2009, "ce n'est pas Lemusica qui l'a faite, elle a été votée à l'Assemblée".
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