Interview
La Fondation Afrique-Europe cherche à prendre des mesures pour défendre des idées et des actions audacieuses pour remodeler l'avenir commun de l'Afrique et de l'Europe. Lancée en décembre 2020, elle cherche notamment à débloquer de nouvelles opportunités pour transformer les relations entre les deux continents. Dans un entretien exclusif avec Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Liberia et lauréate du prix Nobel, depuis Monrovia, la capitale libérienne, et Mary Robinson, première femme présidente d'Irlande et présidente des Sages, Africanews revient sur les ambitions de la Fondation Afrique-Europe.
Ignatius Annor : L'ambition est le thème du premier forum Afrique-Europe. Cette ambition comprend l'accélération des changements sociaux, économiques et politiques. Les militants libériens ont plaidé pour une volonté politique forte d'endiguer la corruption systémique, ce que qes détracteurs qualifient de "paroles en l'air". Comment la Fondation se positionne-t-elle pour aborder des questions comme celles-ci ?
Ellen Johnson Sirleaf : "Le Liberia a une relation forte avec les pays européens et l'ensemble des pays africains. Dans la relation de partenariat avec ces pays, il est clair que la transparence et la responsabilité sont une exigence pour s'assurer que les activités soutenues et financées par cette relation bilatérale sont respectées. La Fondation Afrique-Europe offre une autre opportunité pour souligner l'importance de la lutte contre la corruption. Nous pouvons utiliser l'indice Ibrahim de la gouvernance africaine, qui tend à suivre les progrès et le niveau des contraintes de la gouvernance dans tous les pays."
Les dirigeants du continent s'orientent vers un partenariat plus progressif avec les puissances mondiales. La Fondation Afrique-Europe offrira-t-elle un scénario gagnant-gagnant ?
Mary Robinson : ''Il est nécessaire d'établir un partenariat beaucoup plus mature et égalitaire. Les deux continents sont étroitement liés et n'ont jamais travaillé dans le cadre d'un partenariat approfondi. Au dernier forum, nous avons eu des leaders très importants comme Kristalina Georgieva, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), qui a participé à toute la session sur la santé. Elle a parlé ouvertement de l'importance pour les pays africains de les aider à avoir l'espace fiscal pour une reprise. Elle dispose des droits de tirage spéciaux et exhorte les pays à reconnaître qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de santé. C'est un problème économique, une crise. C'est une question d'inégalité.
Au moins 33 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en Afrique, selon World Vision. Comment le partenariat agroalimentaire Afrique-Europe contribuera à remédier à cette situation ?
Ellen Johnson Sirleaf : ''Il existe un sous-groupe sur l'agriculture au sein de la fondation qui travaille sur comment prioriser l'agriculture dans nos pays, en se concentrant sur les zones qui en ont le plus besoin. Il faut investir dans le secteur informel, où la plupart des activités agricoles concernent des femmes qui n'ont pas un accès complet aux facteurs de production liés à l'agriculture''.
L'Union africaine et le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) s'inquiètent que les vaccins donnés à de nombreux pays africains par l'intermédiaire de COVAX ne sont pas reconnus par le certificat de voyage de l'UE. Vous avez une Alliance sanitaire Afrique-Europe à l'ordre du jour du forum. Cela ne compromet-il pas l'égalité des vaccins ?
Mary Robinson : "Peu après le lancement de la fondation, notre groupe de haut niveau a choisi de faire de l'équité vaccinale le sujet de son premier appel à l'action. Ce manifeste a été cosigné par des personnalités de premier plan en Afrique et en Europe. Il constitue une base pour nous, en nous concentrant sur l'action politique et stratégique requise. Ainsi, si l'on estime que ce passeport européen, qui n'est pas encore tout à fait clair, devient d'une manière ou d'une autre un obstacle, la Fondation Afrique Europe sera sur le coup.''
Dans le cadre de la reprise post-pandémie, l'accent sera mis sur la redéfinition du rôle des villes, deux tiers de la population mondiale devant vivre dans des villes d'ici 2050. Comment votre partenariat permettra d'améliorer le bien-être des habitants des villes ?
Ellen Johnson Sirleaf : "Un domaine clé pour les zones urbaines largement concentrées est l'énergie. J'ai rencontré le Réseau des femmes leaders et j'ai eu des sessions sur l'énergie. Nous avons parlé de cuisine propre et de types de cuisine. De méthodes pour faire sans combustibles fossiles et comment trouver des solutions pour se passer de charbon, qui est largement utilisé dans beaucoup de nos communautés, même dans les communautés urbaines en Afrique."
Qu'espère la Fondation réaliser dans les cinq prochaines années pour l'Afrique et l'Europe ?
Mary Robinson : ''Que ce soit pour la santé, la crise climatique ou d'autres questions, nous avons besoin de toute urgence d'idées et d'actions audacieuses pour remodeler ensemble l'avenir commun de l'Afrique et de l'Europe. Ces idées doivent être inclusives et transgénérationnelles. Je crois beaucoup au dialogue intergénérationnel et à la manière durable de relever les défis environnementaux, économiques, sociaux, sanitaires et technologiques contemporains. Nous voyons le potentiel d'un nouveau chapitre dans les relations entre l'Afrique et l'Europe à un niveau plus politique, grâce à ces plateformes qui peuvent s'ouvrir, construire plus de confiance et faire face à des questions difficiles, honnêtement."
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