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RDC : le français, langue officielle, mais pas populaire

RDC : le français, langue officielle, mais pas populaire

République démocratique du Congo

En RDC, le français est la langue officielle depuis l‘époque coloniale. Pourtant, la langue de Voltaire perd du terrain face aux langues locales dont le « romantique » lingala, mais aussi d’autres langues étrangères comme l’anglais. Compte rendu de l’agonie du français dans un pays francophone.

Au Grand marché de Kinshasa, cœur battant de la plus grande ville francophone du monde, le percepteur des taxes fait appliquer des règlements officiels écrits en français auprès des commerçants avec qui il communique en lingala.

Sur le papier, la République démocratique du Congo (70 à 90 millions d’habitants) est le plus grand pays francophone du monde, devant la France (67 millions).

Au quotidien, la réalité linguistique est plus complexe dans l’ex-colonie belge où le français, unique langue officielle selon la Constitution, côtoie quatre langues nationales : le lingala à Kinshasa et dans l’ouest, le swahili dans l’est, le tshiluba dans les provinces du Kasaï (centre) et le kikongo dans la province du Bas-Congo à l’extrême sud-ouest vers l’estuaire.

Des centaines de dialectes ont aussi cours sur toute l‘étendue du géant d’Afrique centrale (2,3 millions de km2, neuf frontières) entouré de pays francophones, anglophones et lusophone (Angola).

Le français est la langue des lois et de l’enseignement et pourtant tous les Congolais ne sont pas parfaitement francophones.

Cité par le journal français Le Figaro, le démographe français Henri Leridon estime que “seulement 50% de la population parle couramment français. Les Congolais peu éduqués ne parlent en effet pour la plupart que le lingala ou le swahili”.

Avec les carences du système éducatif, le français serait même moins bien parlé, en danger et en recul en RDC, selon le délégué général de la Francophonie, Jonas Kumakinga, cité par un journal kinois jeudi après un colloque sur la Francophonie au centre Wallonie-Bruxelles. “Depuis l’histoire coloniale, ceux qui parlent français sont appelés évolués comme on disait à l‘époque”, explique le professeur Lye M. Yoka, écrivain et directeur de l’Institut national des Arts (INA), pour qui la langue de Voltaire et de Jacques Brel est une “langue d’autorité, de l’autorité”.

‘Langue autoritaire’

Les gens du peuple appelleraient d’ailleurs leurs compatriotes parfaitement francophones des “je-le-connais”, selon lui : “C’est-à-dire des prétentieux, qui, parce qu’ils parlent le français acéré comme une machette – ils disent ça -, se croient des Blancs”.

Dans les couloirs de l’INA, une étudiante, Beija Riziki, semble loin de ces complexes d’infériorité laissés par les violences coloniales et parfaitement à l’aise dans les deux langues, selon les circonstances : “Ici, à l’université, on parle le français, mais avec les amis, on parle seulement en lingala”, dit-elle en souriant.

Dans les allées du Grand marché, José Konde, vendeur de perruques, admet que, oui, le français est une “langue autoritaire”, dans un de ces savoureux déplacements du sens des mots qui rend le français du Congo parfois déroutant.

“Exactement, la langue française, c’est une langue étrangère, pour moi. Nous, nous sommes les Congolais, nous sommes habitués à parler en lingala”, poursuit – en français – l’homme aux lunettes noires devant ses perruques pour femmes.

“Avec mes clients, je parle beaucoup en swahili ou en français. Les deux langues sont aussi bien appliquées à la maison”, ajoute une vendeuse de pagne, Tshishugi Benz. Lingala, swahili : la concurrence est rude pour le français. Le lingala est la langue des chansons populaires qui rythment la vie quotidienne à Kinshasa, des vieilles rumbas de Papa Wemba au tube très dansant “Ozo Beta Mabe” du DJ Innoss’B, la star du moment.

Et le swahili est la langue la plus parlée en Afrique sub-saharienne et les grands pays de l’est du continent (Kenya, Ouganda, Tanzanie…). Dans le “plus grand pays francophone du monde”, le français subit aussi les assauts de l’anglais parlé dans cinq des neuf pays voisins (Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Tanzanie et Zambie). L’actuel président Joseph Kabila, élevé en Tanzanie, est d’ailleurs un anglophone qui n’a maîtrisé le français qu’après son arrivée au pouvoir à la mort de son père tué en 2001.

Des solécismes et barbarismes enrichissants ?

L’anglais marquerait aussi des points auprès des jeunes Congolais qui se tournent vers les Etats-Unis et l’Afrique du Sud faute de visas pour la France ou la Belgique, affirme le professeur Yoka. Accusée de compter ses visas, la France entretient un réseau de cinq Instituts français à Kinshasa, Kisangani, Lubumbashi tout près de la Zambie anglophone, Bukavu et, dernier en date, Goma.

Inauguré en octobre dernier, l’“IF” de Goma est conçu comme un avant-poste de la francophonie à la frontière du Rwanda de Paul Kagame, où le français perd du terrain face à l’anglais et au swahili.

Dans ces instituts, des Congolais viennent suivre des cours de… français. Dans la rue, les journaux et les discours officiels, le français est parfois maltraité, parfois enrichi par des néologismes surprenants (le “glissement” du calendrier électoral pour le report des élections, “venez si vous pouvez vous disponibiliser”…).

Des “congolismes” qui entreront peut-être un jour dans les dictionnaires français.

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