Haïti
Kettia Jean Charles ne sait pas si elle est enceinte de sept mois ou sur le point d’accoucher. Ce qu’elle sait, en revanche, c’est qu’elle a tout perdu. Avec son mari et ses trois enfants, elle dort sous des bâches en plastique dans un camp insalubre, sans eau, sans nourriture, sans certitude de voir le lendemain.
L’an dernier, la famille a fui leur maison à Solino, l’un des derniers quartiers de Port-au-Prince à résister à la violence des gangs jusqu’à ce que cela ne soit plus possible. Aujourd’hui, ils vivent au jour le jour, comme 1,3 million de déplacés internes en Haïti, un chiffre record pour le pays.
« Je dormais dans un lit, j’avais mon petit salon de beauté, mes enfants allaient à l’école… Maintenant, je vis cette vie catastrophique », confie Charles, en larmes.
Son « chez-soi » actuel est un abri de fortune : quatre bâches en plastique en guise de murs, un toit en toile. Quand il fait chaud, ils suffoquent. Quand il pleut, les eaux usées débordent dans le camp. Elle mendie pour nourrir ses enfants. Lorsqu’un repas est distribué, les bousculades éclatent — trop dangereuses pour elle.
« Depuis que je suis ici, c’est très humiliant. Je n’ai pas d’argent, alors je dois demander l’aumône », dit-elle.
Un pays à genoux
Le drame de Kettia reflète l’effondrement d’un pays en guerre, selon les mots de Laurent Saint Cyr, président du Conseil présidentiel de transition en Haïti, qui s’est exprimé jeudi devant l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.
« C’est ça, le visage d’Haïti aujourd’hui. Un pays en guerre. Un Guernica moderne », a-t-il déclaré. « À seulement quatre heures d’avion d’ici, une tragédie humaine se déroule. Chaque jour, des vies innocentes sont fauchées. Des quartiers entiers disparaissent. »
Il a plaidé pour une mobilisation urgente de la communauté internationale, alertant sur une situation explosive : près de la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire aiguë, des centaines de femmes et de jeunes filles ont été violées, et des milliers de jeunes sont condamnés à la désespérance.
Une réponse internationale insuffisante
Un an après le lancement d’une mission de soutien par l’ONU menée par des policiers kényans pour appuyer la police haïtienne débordée les résultats sont cruellement insuffisants : moins de 1 000 agents déployés, contre les 2 500 initialement prévus, et à peine 112 millions de dollars réunis, soit 14 % du budget annuel estimé à 800 millions.
Face à cette situation, les États-Unis et le Panama ont demandé au Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser une nouvelle mission de 5 550 agents, dotée du pouvoir d’arrêter les membres de gangs. Une proposition qui n’a pas encore abouti, malgré l’urgence sur le terrain.
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