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Génocide au Rwanda : nouveau non-lieu sur le rôle de l'armée française

Génocide au Rwanda : nouveau non-lieu sur le rôle de l'armée française
Des Hutus rwandais saluent le départ des troupes françaises de Cyangugu, dans le sud-ouest du Rwanda, le 21 août 1994   -  
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JEAN MARC BOUJU/AP1994

France

Les juges d'instruction parisiens chargés des investigations sur l'inaction reprochée à l'armée française lors des massacres de Bisesero au Rwanda en 1994 ont rendu une nouvelle ordonnance de non-lieu général, une décision attendue après une première décision d'abandon des poursuites en 2022.

Dans cette affaire, les associations Survie, Ibuka, FIDH et six rescapés de Bisesero, parties civiles, accusaient la mission militaro-humanitaire française Turquoise et la France de "complicité de génocide".

Ils lui reprochaient d'avoir sciemment abandonné pendant trois jours les civils tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, dans l'ouest du Rwanda, laissant se perpétrer le massacre de centaines d'entre eux par les génocidaires, du 27 au 30 juin 1994.

Selon une ordonnance rendue mardi et consultée mercredi par l'AFP, deux magistrats instructeurs du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont conclu à l'abandon des poursuites pour les cinq militaires visés dans la procédure mais qui n'ont jamais été mis en examen.

"Lors des événements de Bisesero, les forces militaires françaises déployées au Rwanda (...) ne se sont pas rendues complices par abstention du crime de génocide et des crimes contre l'humanité commis sur les civils tutsi", concluent les juges d'instruction.

Controverse historique

Les parties civiles ont interjeté appel de cette ordonnance de non-lieu. Ce dossier reflète la controverse historique sur les objectifs de cette mission déployée au Rwanda sous mandat de l'ONU pour faire cesser le génocide des Tutsi.

Les parties civiles réclament depuis des années un procès non seulement contre les militaires, mais également contre des membres de l'entourage de l'ancien président François Mitterrand, au pouvoir pendant le génocide, et jamais visés par l'enquête.

En septembre 2022, les deux magistrats avaient déjà rendu une ordonnance de non-lieu, assurant que leur enquête, formellement close en juillet 2018, n'avait pas établi la participation directe des forces militaires françaises à ces exactions, pas plus que leur complicité par aide ou assistance aux génocidaires, ou même par abstention.

Les parties civiles avaient aussitôt fait appel de cette décision, assurant sur la forme que les juges avaient commis une erreur procédurale et, sur le fond, qu'ils n'avaient pas tenu suffisamment compte de la synthèse, publiée fin avril 2021, du rapport de la commission dite Duclert. Dans ce rapport, des historiens pointaient "l'échec profond" de la France lors de ces massacres.

La cour d'appel de Paris leur a donné raison sur les motifs procéduraux le 21 juin et a retourné le dossier aux magistrats instructeurs. Les parties civiles espéraient qu'ils poursuivent leurs investigations et avaient réclamé l'audition de l'historien Vincent Duclert.

Rapport Duclert

Mais les juges ont rejeté mardi leurs demandes, soulignant que "les documents cités en référence par les auteurs du rapport (Duclert) à l'appui de leurs constats, dans leur immense majorité, figurent déjà en procédure ou trouvent, dans les pièces de l'information judiciaire, des équivalents ou une résonance".

"Au terme de toutes ces années d'investigations, et qui se soldent aujourd'hui, une seconde fois, par un non-lieu, il est établi qu'aucune responsabilité pénale de l'armée française et de ses militaires ne peut être recherchée", ont souligné Me Emmanuel Bidanda, avocat de Jacques Rosier, chef des opérations spéciales présent à Bisesero, et Me Pierre-Olivier Lambert, conseil du général Jean-Claude Lafourcade, le chef de Turquoise.

Selon eux, "l'acharnement de certaines associations de plaignants est devenu absurde : il revient à instrumentaliser les victimes du génocide pour tenter de démontrer une responsabilité de l'armée française à laquelle plus personne ne croit".

Pour Me Eric Plouvier, représentant l'association Survie, en revanche, "les juges persistent dans leur déni et leur refus de tirer les conséquences du rapport Duclert pointant les défaillances institutionnelles autour du président de la République François Mitterrand".

"Les investigations auraient permis de savoir quelles incidences ces dysfonctionnements ont eues pour l'abandon et la mort de centaines de Tutsi à Bisesero", a-t-il ajouté.

Selon l'ONU, les massacres ont fait dans l'ensemble du Rwanda plus de 800 000 morts au Rwanda entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi.

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