Soudan
Depuis le début de la guerre au Soudan il y a cinq mois, l'Etat régional d'al-Jazira était le refuge parfait pour les familles fuyant Khartoum sous les bombes. Mais l'avancée des paramilitaires fait redouter le pire aux habitants et aux déplacés.
Hussein Mohammed conduisait son minibus lundi à la tombée de la nuit entre el-Massied et al-Kamiline, deux localités de l'Etat d'Al-Jazira situé au sud de Khartoum. Soudain, il voit débouler sur le long ruban d'asphalte une colonne des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo.
Ces très redoutés paramilitaires formés au combat dans l'atroce guerre du Darfour des années 2000 et désormais en guerre pour le pouvoir contre l'armée, avançaient à bord de "43 pick-ups et trois blindés", raconte-t-il à l'AFP, encore sous le choc.
En tout, ces cohortes ont progressé de 50 km vers le sud avant de rebrousser chemin et d'installer leur dernier check-point à 17 km au nord d'al-Kamiline, soit à environ 80 km de la capitale où les FSR règnent quasiment en maîtres, selon des experts.
Les habitants des environs, eux, ont désormais très peur."On n'a pas dormi de la nuit", raconte à l'AFP Ahmed Mohieddine. "Tout le monde est stressé et tendu, il y a des rumeurs qui courent partout", affirme ce commerçant rencontré devant son étal du marché d'al-Kamiline.
Autour de lui, la plupart des échoppes sont restées fermées tant le spectre des pillages et des tueries précède les cohortes des FSR partout au Soudan, où la guerre a fait depuis le 15 avril au moins 7 500 morts, selon une ONG, ainsi que cinq millions de déplacés et de réfugiés.
Et désormais le bruit assourdissant des raids aériens résonne à quelques dizaines de km : mardi, des avions de l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane ont bombardé des postes de contrôles des FSR à al-Bagir dans l'Etat d'Al-Jazira, à 50 km d'Al-Kamiline et de Khartoum, ont indiqué des habitants à l'AFP.
Face aux récits des horreurs qui émergent, principalement de Khartoum, vidée de la moitié de ses habitants, et du Darfour, dans l'ouest, les assurances de l'armée et des autorités relevant du général Burhane pèsent peu.
Dimanche, le gouverneur par intérim de l'Etat d'al-Jazira (centre), Ismaïl Awadallah, a convoqué les journalistes pour leur assurer que "la zone nord d'al-Jazira était un théâtre d'opération et (que) sa gestion était donc assurée par le commandement des forces armées".
L'Etat d'al-Jazira, immense étendue entre le Nil bleu et le Nil blanc connue pour ses terres fertiles et ses champs de coton, est une zone sensible. Cette année, pour la première fois de l'histoire de cette région agricole, les terres sont restées en jachère.
Les écoles et les bâtiments publics sont devenus des camps de fortune pour abriter les réfugiés de guerre et les industries ne tournent plus depuis des mois.Pour le ministre des Finances du gouvernement local, Jaafar Abou Chouk, "la guerre a fait perdre à l'Etat d'al-Jazira 88% de ses revenus".
Depuis mars, les fonctionnaires n'ont pas perçu un seul salaire, notamment les enseignants qui ont malgré tout fait leur rentrée début septembre, accueillant des classes bondées d'élèves du coin mais aussi de très nombreux déplacés.
Thouraya al-Hadi est l'une d'eux. Elle se ronge les sangs dans son village au nord d'al-Kamiline depuis lundi.
"On avait peur depuis le début de la guerre, mais là, la menace se rapproche vraiment dangereusement, on espère de tout cœur que la guerre n'arrivera pas ici", dit à l'AFP cette Soudanaise de 43 ans : "Parce que, même de loin, on en paye déjà le prix."
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