Royaume-Uni
La justice britannique a déclaré jeudi "illégal" le projet controversé d'expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni faute de garanties pour leur sécurité, au grand dam du gouvernement qui a annoncé vouloir saisir la Cour suprême.
La cour d'appel a estimé que le Rwanda ne peut en l'état être considéré comme un "pays tiers sûr" car il existe "un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient renvoyées dans leur pays d'origine où ils étaient en proie à des persécutions et autres traitements inhumains".
Toute expulsion vers le Rwanda constituerait "une violation" de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui dispose que "personne ne peut infliger à quiconque des blessures ou des tortures", a estimé la cour d'appel.
"A moins et jusqu'à ce que les déficiences de son processus d'asile soient corrigées, envoyer des demandeurs d'asile au Rwanda sera illégal", souligne la cour dans un résumé du jugement.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak, s'est dit "en désaccord fondamental" avec cette décision et a annoncé que son gouvernement allait demander la permission de saisir la Cour suprême.
"La politique de ce gouvernement est très simple, c'est ce pays, et votre gouvernement, qui doit décider qui vient ici, pas les gangs de malfaiteurs", a-t-il déclaré dans un communiqué, affirmant qu'il ferait "tout ce qui est nécessaire" pour la mettre en oeuvre. "Le Rwanda est un pays sûr", a-t-il insisté.
Craintes de persécutions
La lutte contre l'immigration illégale fait partie des priorités du gouvernement de M. Sunak.
Malgré les promesses du Brexit de "reprendre le contrôle" des frontières, plus de 45.000 migrants ont traversé la Manche depuis la France à bord de petites embarcations en 2022, un record. Et ils sont plus de 11.000 cette année à avoir fait de même.
La cour d'appel a tenu à préciser que sa décision n'impliquait "aucun point de vue que ce soit sur les mérites politiques" de cette mesure, et que son seul souci était de juger si cette politique est conforme à la loi.
Malgré cette décision, "le Rwanda reste pleinement engagé pour faire que ce partenariat" avec le Royaume-Uni "fonctionne", a déclaré à l'AFP la porte-parole du gouvernement de Kigali, Yolande Makolo.
"Si cette décision appartient en dernier ressort à la justice britannique, nous contestons le fait que le Rwanda ne soit pas considéré comme un pays sûr pour les réfugiés et demandeurs d'asile", a-t-elle ajouté.
En matière de droits humains, le Rwanda est toutefois régulièrement épinglé pour sa dure répression des oppositions politiques et son non respect de la liberté d'expression.
Changer de cap
Saluant une "rare bonne nouvelle dans le sinistre paysage des droits humains au Royaume-Uni", la directrice de l'ONG Human Rights Watch dans le pays, Yasmine Ahmed, a exhorté la ministre de l'Intérieur Suella Braverman à "abandonner ce rêve fiévreux, impraticable et contraire à l'éthique".
Ce jugement "offre au gouvernement l'opportunité de changer de cap", a-t-elle ajouté: "Plutôt que de traiter les êtres humains comme une cargaison qu'il expédie ailleurs, il devrait se concentrer à mettre fin à l'environnement hostile envers les réfugiés et les demandeurs d'asile".
En décembre dernier, la Haute Cour de Londres avait donné son feu vert à l'expulsion de certains migrants illégaux vers le Rwanda, jugeant le dispositif légal.
Le projet est depuis à l'arrêt en raison des recours en justice.
Mais les juges avaient accepté que soit examiné l'appel de plusieurs requérants et de l'association Charity Aid, qui apporte un soutien juridique aux demandeurs d'asile. Ils dénoncent un projet "injuste de manière systémique" et estiment que des demandeurs d'asile qui seraient expulsés vers le Rwanda risquent d'y être persécutés.
Aucune expulsion n'a encore eu lieu. Un premier vol prévu en juin 2022 avait été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) réclamant un examen approfondi de cette politique.
Le plan d'envoyer les demandeurs d'asile vers le Rwanda avait été annoncé alors que Boris Johnson était Premier ministre, dans le but de décourager les traversées clandestines de la Manche.
En 2021, 27 personnes ont perdu la vie en essayant de traverser ce détroit, l'un des plus fréquentés du monde. Au moins quatre autres sont morts l'an dernier.
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